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11,000 âmes, que 1,000 ouvrières y suivent un cours de chimie, assises parmi les filles et les femmes de bourgeois et en tricotant. Ceci est encore au-delà de ce que j’ai souvent vu avec admiration au Conservatoire des arts et métiers à Paris : des familles d’ouvriers venant assister aux cours de M. Pouillet, dont le merveilleux talent de professeur est perdu désormais pour tout le monde. 1,000 ouvrières dans une ville de 11,000 âmes suivre un cours de chimie en faisant des bas ! il faut venir aux États-Unis pour trouver un pareil amour de l’instruction dans le peuple.


23 septembre, Chilicothe.

Pour aller de Columbus à Chilicothe, on prend une diligence. Je suis bien aise de savoir par expérience comment l’on voyage aux États-Unis autrement qu’en chemin de fer, ne serait-ce que pour mieux sentir les bienfaits et être plus indulgent pour les inconvéniens de ce mode de transport. La diligence que je prends est assez propre à le faire valoir et à le faire regretter. C’est un véhicule mal fermé par des rideaux de cuir. La route est mauvaise et les cahotemens très rudes. J’admire plus que je ne les envie ceux qui ont parcouru ce pays avant l’établissement des chemins de fer. Il y a vingt ans, on ne voyageait pas autrement que je n’ai voyagé cette nuit. Cette incommodité tombe pour moi assez mal en ce moment, où j’aurais besoin de repos ; mais il faut bien aller à Chilicothe, où j’espère trouver des monumens indiens et la collection d’antiquités de M. Davies.

Malheureusement pour moi, M. Davies est à New-York. Je m’adresse à son beau-père, qui, avec une politesse parfaite et un empressement très aimable, me prête le livre de son gendre pour m’orienter dans mes recherches, et me met en rapport avec un jeune médecin allemand au fait des localités environnantes, et qui a plusieurs fois accompagné M. Davies dans ses excursions archéologiques. M. Rominger, à qui je procure le plaisir de parler allemand et de parler de l’Allemagne, me reçoit avec beaucoup de cordialité et m’emmène dans son cabriolet visiter plusieurs de ces grands tertres et de ces vastes travaux de défense qui attestent l’existence d’une population plus nombreuse et d’une race plus puissante que celles qu’on a rencontrées dans la portion de l’Amérique du Nord occupée aujourd’hui par les États-Unis. Sur une immense étendue, depuis les grands lacs jusqu’au-delà du Mississipi, on a trouvé des fortifications en terre fort considérables et des tertres contenant une classe d’antiquités d’un caractère tout particulier, et qui ne ressemble à aucune autre. Je n’ai vu encore, dans les collections de Cincinnati, qu’un petit nombre de ces antiquités, des poteries, des figures d’animaux remarquablement sculptées, etc., et je remets pour en parler à l’époque où