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et Orientale, huit seront à hélice. Cette préférence s’explique aisément. Les roues, jusqu’ici du moins, possèdent une force de propulsion plus énergique, et, pour les courtes traversées, surtout lorsque l’on doit naviguer vent debout (ainsi qu’il arrive dans les voyages de Liverpool à New-York), ce mécanisme produit une vitesse plus grande ; mais quand il s’agit de longs parcours où le navire rencontre des moussons et des brises de travers qui permettent d’aller à la voile, l’hélice offre des avantages incontestables : on rentre le propulseur, on éteint les feux, et le paquebot, prenant les allures d’un bâtiment à voiles, n’est point gêné dans son sillage par l’immense obstacle qu’opposerait au vent et à la mer l’appareil des tambours attachés aux flancs des navires à roues. Il en résulte une notable économie de combustible, sans perte de vitesse. L’observation de ces faits, qui sont chaque jour confirmés par de nouveaux exemples, guidera naturellement le gouvernement français pour l’organisation des services transatlantiques : la ligne de New-York sera exclusivement livrée aux paquebots à roues, tandis que celles des Antilles et du Brésil, particulièrement cette dernière, qui traverse la zone des vents alises, pourront être exploitées avec profit par des paquebots à hélice.

De même, la force en chevaux de vapeur qu’il convient de donner aux navires ne saurait être fixée uniformément pour toutes les lignes. Elle variera en raison des distances ou des conditions nautiques, et sous le stimulant plus ou moins actif de la concurrence étrangère. Le point essentiel, c’est d’entrer en lice avec une puissance de vitesse au moins égale à celle des paquebots anglais et américains. Par exemple, sur la ligne de New-York, on voit que les steamers américains, pourvus de machines de 1,000 chevaux, l’emportent sur les steamers anglais de la compagnie Cunard, dont la force est de 650 à 800 chevaux. Cette victoire, qui flatte singulièrement l’amour-propre national des Yankees, engagera la compagnie anglaise à augmenter la force de ses paquebots. Que l’on s’attende donc à ne plus voir bientôt sur l’Océan, entre les États-Unis et l’Europe, que des navires de 1,000 chevaux, si même on s’en tient là. Ce chiffre doit être adopté, quant à présent, par la ligne française, puisque les faits l’ont en quelque sorte consacré. Pour les services des Antilles et du Brésil, il ne paraît point nécessaire d’employer des machines aussi puissantes. Le contrat passé entre l’amirauté et la compagnie anglaise oblige celle-ci à entretenir 10 navires de 400 chevaux au moins et 4 de 250 ; mais il ne faut pas se dissimuler que, dans la pensée d’accroître sans cesse la vitesse, il y a aujourd’hui une tendance très prononcée à augmenter partout la force de propulsion. En outre, le commerce devient de plus en plus exigeant. Le 22 décembre dernier, il s’est tenu à Londres un meeting considérable qui se plaignit en termes très vifs des irrégularités signalées dans le service de la compagnie des Indes occidentales et du Brésil ; on accusait cette compagnie de ne pas introduire dans la construction de ses navires et dans le mode de propulsion les améliorations indiquées par les découvertes nouvelles de la science. Cette démonstration, à laquelle ont pris part les principaux négocians intéressés dans le commerce des colonies, ne demeurera pas stérile. Aussi serait-il prudent de placer dès à présent sur nos lignes principales aboutissant à la Martinique et à Rio-Janeiro des bâtimens de 500 chevaux au moins, et sur les embranchemens de Chagres, de la Havane et de la Plata, des navires de 300 chevaux.