Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/73

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hollandaise se tenait le général Michiels, avec deux bataillons formés en carré et une batterie de campagne. Habitué à de pareils assauts, il ne se laissait émouvoir ni par les cris des assaillans, ni par les gémissemens des blessés. On l’entendait donner ses ordres avec calme, et dominer par son énergie l’horreur de cette mêlée confuse. Sa voix claire et brève savait porter la confiance jusqu’au cœur du moindre soldat; il était l’âme de cette bande glorieuse, qui, depuis deux heures, opposait sa fermeté et sa discipline à la furie d’une troupe fanatisée. Tout à coup un corps de Balinais parvient, à la faveur des ténèbres, à se glisser au milieu des lignes hollandaises : une décharge à bout portant atteint le général Michiels, qui tombe, la cuisse droite fracassée par une balle. Le jour vient alors éclairer une scène de désolation et mettre les Balinais en fuite. Près de deux mille morts ou blessés jonchaient le champ de bataille. La perte des Hollandais eût été insignifiante sans le coup malheureux qui avait atteint leur général. Ils n’avaient à regretter que sept morts et vingt-huit blessés, tant le sang-froid et la discipline ont d’avantage sur le désordre d’un courage aveugle ! Il fallut amputer le général Michiels sur le champ de bataille ; il succomba le soir même aux suites de cette opération.

L’armée pleura ce soldat intrépide, mais ne songea point à le venger. La perte du général dans lequel elle avait mis sa confiance la laissait désormais sans ardeur. Elle comptait d’ailleurs de nombreux malades. Les moyens de transport manquaient, car la plupart des coulis, saisis d’effroi pendant la terrible nuit du 25 mai, avaient pris la fuite. Au lieu de marcher sur Klong-Kong, on se retira sur le territoire de Karang-Assam. Les pertes de l’ennemi avaient été heureusement trop sérieuses pour que cette retraite inopportune pût lui rendre son audace. Après quelques tergiversations, il accepta sans réserve les conditions du gouvernement hollandais. Les dynasties de Bleling et de Karang-Assam furent déclarées déchues du trône. Les autres princes conservèrent leur couronne et l’administration indépendante de leurs états, et cependant, malgré cet usage modéré de la victoire, le triomphe des armes hollandaises eut un immense retentissement dans tout l’archipel. Les velléités d’indépendance qu’auraient pu entretenir les déclamations perfides des journaux de Singapore s’éteignirent dans la terreur qui suivit la troisième expédition de Bali.

C’était en ce moment même qu’une chance inespérée ouvrait à notre corvette le chemin des Indes néerlandaises. Java dans tout l’éclat de sa prospérité, Célèbes dans la ferveur de ses espérances naissantes, l’armée hollandaise dans l’ivresse d’une victoire trop chèrement achetée, tels furent les souvenirs que nous conservâmes de notre passage au milieu de l’empire indo-néerlandais.

Nous venons de retracer l’histoire de cet empire depuis les premiers progrès de sa puissance jusqu’aux récentes tentatives que lui ont