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mis à leur disposition étaient complètement insuffisans. Par un acte du 31 août 1852, le congrès a autorisé le gouvernement à conclure un contrat nouveau qui stipulerait l’accroissement de la subvention, l’augmentation du nombre des voyages et la substitution du port d’Anvers au port du Havre, comme point de destination de la troisième ligne. Indépendamment de ces communications transatlantiques, les États-Unis possèdent un service régulier de steamers de Charleston à la Havane, de New-York à Chagres, de Panama à San-Francisco, et le gouvernement se propose d’établir prochainement de nouvelles lignes de Boston à Halifax et de la Nouvelle-Orléans à Vera-Cruz avec escale à Tampico.

Bien que les Américains soient encore distancés de très loin par les Anglais pour la création des lignes de paquebots, ils ont accompli, depuis cinq ans, d’immenses progrès. En 1848, le chiffre des subventions allouées aux services transatlantiques dépassait à peine 100,000 dollars (540,000 fr. ) ; il a atteint en 1852 1,896,250 dollars (10,239,750 fr.). Le congrès ne reculera devant aucun sacrifice pour venir en aide aux entreprises de l’industrie privée. Il est entraîné dans cette voie, non-seulement par les exigences de l’intérêt commercial et maritime, mais encore par une sorte de passion nationale qui veut, en toute occasion, vaincre la concurrence de la Grande-Bretagne, et l’opinion publique aux États-Unis devient très ardente dès qu’il s’agit de multiplier les relations postales, d’encourager le commerce, de fortifier la marine, et surtout de lutter contre les Anglais.

On voit, dès à présent, par l’exemple de l’Angleterre et des États-Unis, que les services de navigation à vapeur ne peuvent subsister sans avoir recours à une subvention de l’état. Les premiers efforts qui ont été tentés pour exploiter librement cette industrie n’ont abouti qu’à des désastres. Et encore avec les subsides alloués par les contrats existans, subsides qui, au premier examen, paraissent si considérables, les compagnies retirent-elles des bénéfices ? font-elles, comme on dit vulgairement, de bonnes affaires ? En ce qui touche les compagnies américaines, il n’est pas douteux que jusqu’ici leur budget ne se soit soldé en déficit, puisque le gouvernement et le congrès ont dû augmenter récemment la subvention de la ligne Collins, et que les compagnies chargées des services du Havre et de Brème sollicitent instamment qu’on les assiste d’une manière plus efficace. Quant aux compagnies anglaises, la question est beaucoup plus difficile à éclaircir. Si l’on en jugeait par le dividende de 8 pour 100, que la Compagnie Péninsulaire distribue annuellement à ses actionnaires, non compris les économies inscrites au fonds d’assurance qui forment un compte à part, on pourrait supposer que les capitaux employés dans la navigation à vapeur sont amplement rémunérés ; mais les lignes des États-Unis et des Antilles sont loin de produire des résultats aussi brillans. Il a été déclaré dans une enquête officielle que, de 1842 à 1848, les dividendes avaient à peine dépassé 3 pour 100, année moyenne.

Personne, assurément, ne conteste la nécessité de faire peser sur le budget de l’état une partie des dépenses qu’entraîne l’entretien des services à vapeur ; mais on s’effraie aisément à la vue des gros chiffres, et il est nécessaire, en France surtout, que les esprits se familiarisent avec l’idée d’accorder aux compagnies de navigation transatlantique des sommes très considérables. L’argent des subventions n’est point d’ailleurs dépensé en pure perte. Les gouvernemens