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suffisamment que si la première phase de cette guerre avait eu pour objet l’extermination des barbares tudesques, il s’agissait purement et simplement, dans la seconde, de jeter à bas toute espèce de pouvoir sans tenir acte de la nationalité de son origine.

Pendant le siège de Milan, il y eut une heure singulièrement caractéristique : ce fut celle où la révolution se trouva prise entre deux feux ; Autrichiens et Piémontais tiraient sur elle indistinctement. C’était bien là, en effet, l’ennemi commun. L’Autriche, dès le premier jour, se le tint pour dit, et ne cessa de manœuvrer en conséquence ; quant à Charles-Albert, placé naturellement à un autre point de vue, la raison ne lui vint que plus tard ; son imagination ardente parla d’abord, et très imprudemment il s’y laissa entraîner, sans voir que ces illusions, auxquelles il aimait tant à se livrer, étaient l’œuvre d’un infernal thaumaturge, de ce froid et mystique Mazzini, qui, pareil à ces nécromans orientaux, évoquait aux yeux du roi qu’il voulait égarer de fabuleux mirages. Persuadé de la profonde impuissance d’un carbonarisme caduc et sceptique, dont la police autrichienne se complaisait à déjouer chaque effort avec une méthodique persistance, instruit par trois ou quatre échauffourées de l’entière inutilité des tentatives partielles, Mazzini entreprit de s’instituer le pontife souverain d’une idée nouvelle d’un système. De là ce plan de réunir sous une même couronne les divers états de l’Italie, plan sublime par lequel il enrôlait dans sa croisade contre l’Autriche, son seul épouvantail, certains princes dont il ne lui coûtait rien d’allécher l’ambition, quitte à susciter contre eux ses bandes révolutionnaires, lorsqu’il se serait servi de leurs armées pour renverser un ennemi ferme et vigilant, et sur lequel lui et les siens ne pouvaient mordre. Ora e sempre, — maintenant et toujours ! avait dit Mazzini à son début, alors qu’il se révélait comme chef de la jeune Italie. On voit qu’il demeurait fidèle à sa devise : chez lui, le conspirateur n’abdique jamais, il se modifie. Le carbonarisme avait été sa première manière ; la combinaison machiavélique et puissante de l’Italia unita fut sa seconde, et jusqu’à présent du moins son chef-d’œuvre. Pour arriver à ses fins, pour mettre l’idée en pratique, il lui fallait deux choses également indispensables : de l’argent et des circonstances. La mauvaise humeur adroitement exploitée des plus riches familles de l’aristocratie de son pays lui fournit le nerf de la guerre, la révolution de février et la chute du gouvernement de Louis-Philippe furent l’occasion.

Il y avait, on le sait, dans l’Italie de 1848 deux partis politiques tendant par les voies les plus contraires vers l’indépendance et l’unité nationales. À la tête de l’un était l’abbé Gioberti, qui voulait une sorte de confédération avec le pape au sommet. L’autre parti, le parti