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Le sang flamand, au contraire, ne cesse point de parer du plus vif incarnat l’aimable visage des créoles hollandaises et leur bouche vermeille, qui semble toujours sourire. Je n’ai jamais beaucoup admiré les beautés de la famille malaise ou les charmes de la race chinoise. Aussi j’éprouvai, je l’avoue, en jetant les yeux sur cette galerie tout étincelante de fraîcheur et de beauté, quelque chose de l’émotion du sauvage retrouvant dans les serres de Jussieu les verts arbustes de son île.

Nous n’étions pas les seuls étrangers qu’un pareil spectacle captivât. Les ambassadeurs que l’île de Bali avait envoyés à Batavia pour régler les conditions d’une paix définitive semblaient exprimer par leurs regards une admiration vive et sincère. Ces ambassadeurs étaient peut-être moins des négociateurs que des otages. Le gouvernement hollandais se plaisait toutefois à les entourer d’égards et à déployer devant eux l’éclat de sa puissance. Il leur avait donné pour interprète et pour guide un Arabe de Bornéo, caractère subtil et insinuant, d’une fidélité jadis douteuse, que des faveurs récentes avaient enfin conquis aux intérêts de la Hollande. Ce compatriote du prophète, vêtu d’une longue robe de soie et coiffé d’un large turban d’une blancheur irréprochable, dominait de sa haute taille les princes balinais accroupis sur leur banquette comme des chefs iroquois autour du feu du conseil. Le profil régulier et sévère de l’Arabe, les belles lignes de ce type biblique ne faisaient que mieux ressortir la face écrasée et les traits sans noblesse de la race hindoue. Le costume des ambassadeurs de Bali était d’une extrême simplicité. Cette simplicité cependant avait sa poésie et sa grandeur ; elle convenait aux guerriers à demi sauvages qui avaient figuré sur les champs de bataille de Djaga-Raga et de Klong-Kong ; une pièce de coton enroulée autour du corps leur tombait jusqu’à mi-cuisse ; leur buste était entièrement nu ; leurs cheveux, relevés et attachés sur le sommet du crâne, étaient ornés d’une fleur d’hibiscus. C’était ainsi que les compagnons de Léonidas, après s’être frottés d’huile, avaient dû se présenter au combat. Les princes balinais ne portaient d’autre arme que leur kris, placé, suivant leur coutume, derrière le dos. L’extrémité du fourreau était enfoncée dans les plis de leur ceinture, tandis que la poignée, enrichie d’or et de pierreries, dépassait presque la hauteur de leur tête. Tel était autrefois le costume de cour de la noblesse javanaise, et tel est encore aujourd’hui celui des habitans de Bali. Le buste découvert a toujours été considéré dans l’archipel indien comme un signe de déférence et de respect. Avec leur peau fauve et dorée, leur coiffure de femme, leur regard à la fois effronté et intrépide, ces princes hindous me rappelaient bien le mélange de sensualité et d’audace qui forme le trait distinctif des populations