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L’arrêt des Doctors’ Commons se fit attendre un an. Durant cette année, l’existence de Moore fut ainsi distribuée : pour ses travaux, il continua les mélodies sacrées, les chants nationaux, et s’occupa principalement des recherches relatives à la vie de Sheridan ; comme séjour, il habita Sloperton-Cottage, mais fit de fréquentes courses à Londres pour veiller à son procès et pour recueillir de la bouche des amis survivans de Sheridan des informations sur les principaux accidens de sa vie politique, et les anecdotes qui pouvaient servir à illustrer son caractère ; quant aux relations, il eut à la campagne l’intimité de lord Lansdowne, à Londres il vécut beaucoup dans la société de lord Holland. Au reste, nous avons, par le journal qu’il tint depuis cette époque jusqu’en 1836, le bulletin moral et le détail presque quotidien de sa vie.

Il faut citer quelques-unes de ces notes pour donner une idée de la façon dont se passaient les journées de Moore à Sloperton-Cottage, et des phases de sentimens qu’il traversait dans un moment si critique. En voici quelques échantillons : « 27 octobre 1818. Jour pluvieux : dîné de bonne heure. Travaillé le matin à Sheridan. Après dîné et après le thé, copié un Benedictus de Mozart et le Et incarnatus est de Haydn, tous deux le merum sal de la musique. Avant souper, je les ai chantés et d’autres morceaux avec Mary Dalby et Bessy. La pauvre Bessy a pleuré à mon chant sacré : « Oh ! qu’il est doux de penser à la vie à venir, » et dans une conversation que nous avons eue ensuite sur la perspective consolante de retrouver dans un autre monde ceux que nous aimons : elle pensait à la pauvre Barbara (une jeune fille de Moore morte récemment). Lorsqu’elles se sont couchées, j’ai essayé quelques sonates de Clementi ; j’ai été ravi de celles qui sont dédiées à miss Gavin, parce que ma sœur les jouait et qu’elles m’ont rappelé d’anciens jours. Lu un peu des discours de Sheridan avant d’aller au lit. — 29. Une journée est si semblable à l’autre qu’il est difficile d’en distinguer la différence ; ce sont les plus heureuses, vrais jours de cottage tranquilles et industrieux, sans autre alliage que la faible santé de ma douce Bessy, qui s’améliorera, j’espère, quand elle aura accouché. Poursuivi ma tâche tout le jour dans le jardin. La soirée délicieuse ! on eût dit le dernier doux adieu de l’été. Les Hughes sont venus pour le thé et le souper. Nous avons joué et chanté. Je leur ai lu la comédie de Morton : l’École de la Reforme. — 30. Même répétition pour la plus grande partie ; dans la soirée, encore un éclair de l’été qui s’en va ; ce sera certainement le dernier. Copié, après le thé, une partie d’une chose glorieuse de Haydn, commençant par le chant : Amen dico tibi, etc., le passage Oggi con me est divin. — 31 décembre. Tout est en l’air pour les préparatifs de notre bal de ce soir ; le souper dressé dans mon cabinet de travail. La