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régulier. Chaque province devient un centre insurrectionnel. La guerre civile, semble sévir spécialement à Tamaulipas, sur le Rio-Grande, et, ce qui est plus grave, c’est qu’à chaque instant des officiers de l’armée régulière, ou même des vaisseaux de l’état, font défection au gouvernement. D’un autre côté, comme on le pense, les aventuriers du nord affluent de toutes parts et se mêlent à ces insurrections qui tendent, à ce qu’il paraît, à se concentrer pour livrer un dernier assaut à l’ombre de pouvoir légal qui subsiste. Pendant ce temps, on discute à Mexico sur le point de savoir si le général Arista, chef suprême de la république, se saisira de la dictature ou s’il restera président constitutionnel. On fait des ministères de conciliation qui ne concilient rien, bien entendu, parce qu’on ne concilie pas l’anarchie, et le Mexique descend par degrés cette pente redoutable de la dissolution, au bout de laquelle l’annexion successive des divers états mexicains s’accomplira sans même qu’une nouvelle guerre soit nécessaire. Triste et malheureuse race qui, après n’avoir point su se conduire, sera forcée de plier la tête sous la rude main de ses envahisseurs ! L’état du Mexique n’est-il point un saisissant exemple pour tous les peuples de race espagnole répandus dans le Nouveau-Monde ?

Il y a malheureusement cependant en Amérique plus d’un pays qui, s’il n’a point à redouter la périlleuse proximité des citoyens de l’Union, offre plus d’une analogie d’un autre genre avec le Mexique. Voici, par exemple, la guerre civile qui vient de se rallumer dans la République Argentine. Il n’y a pas un an encore que Rosas a été renversé du pouvoir, et déjà deux ou trois révolutions ont eu lieu. La dernière, on peut s’en souvenir, date du 11 septembre dernier, et avait pour but d’émanciper la province de Buenos-Ayres de la tutelle d’Urquiza, qui avait reçu le titre de directeur provisoire de la Confédération Argentine dans un congrès composé des gouverneurs de toutes les provinces. Cette révolution accomplie, la junte des représentans, qui avait été dissoute, était réinstallée ; le lieutenant laissé par Urquiza à Buenos-Ayres était expulsé, et remplacé, comme gouverneur de la province, par le général Pinto, auquel a succédé depuis le docteur Valentin Alsina. Enfin Buenos-Ayres dépouillait, en ce qui la concernait du moins, le directeur provisoire de son titre de délégué aux affaires extérieures de la confédération. La question était de savoir comment Urquiza prendrait cette rupture de Buenos-Ayres, et comment il y répondrait. Il a paru d’abord la prendre assez diplomatiquement, et n’a point essayé, immédiatement du moins, de revendiquer son autorité par la force. Peut-être attendait-il la décision d’un congrès général qui était alors sur le point de se réunir à Santa-Fé, pour statuer sur l’organisation définitive de la république. En attendant toutefois, on le pense, ni Buenos-Ayres, qui persistait dans son mouvement du 11 septembre, ni Urquiza, qui était peu disposé à abdiquer son pouvoir, ne restaient inactifs. Urquiza agissait pour conserver l’appui des autres provinces. De son côté, le nouveau gouvernement de Buenos-Ayres, par des négociations secrètes, cherchait à se ménager l’adhésion de la province de Corrientes et l’obtenait en effet ; et comme une telle situation ne pouvait longtemps se prolonger, les hostilités n’ont point tardé à éclater. C’est au commencement de novembre que Buenos-Ayres a expédié deux corps d’armée, aux ordres du général Madariaga et du général Hornos, pour aller attaquer Urquiza dans l’Entre-Rios. Jusqu’ici le premier de ces généraux paraît avoir été battu ; le second semble avoir obtenu quelque avantage.