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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 janvier 1853.

Il y a des événemens qui, aussitôt qu’ils se produisent, ont le singulier privilège d’éclipser tous les autres et de faire diversion dans les préoccupations publiques, tout en se rattachant au cours général des choses. On en parle, on les commente, ils deviennent pour quelques jours l’inépuisable aliment des conversations. Cela s’explique sans doute par l’importance qu’ils ont et aussi parce qu’ils s’adressent par quelque côté à l’imagination, — l’imagination qui joue toujours un si grand rôle dans notre histoire ! Qu’a donc été bien souvent, en effet, la politique parmi nous, si ce n’est cet art étrange et passionné de chercher le romanesque dans les faits, de poursuivre l’imprévu, de mêler tous les élémens, de se jouer dans toutes les combinaisons et les interprétations que l’esprit enfante et propage ? Autrefois, quand les gouvernemens étaient occupés à faire des choses simplement et vulgairement utiles, on disait que la France s’ennuyait. Si cela voulait dire, dans la pensée de l’auteur de cette parole, qu’une révolution était le meilleur moyen d’ôter à la France son ennui, c’était interpréter étrangement les penchans et les goûts de notre pays. Il pouvait y avoir du vrai, au contraire, si cela voulait dire que, dans toutes les choses de la vie politique, il y a toujours la part de l’imagination et de cette curiosité ardente de nouveauté et d’imprévu. Le mariage de l’empereur est à coup sûr un de ces événemens qui ont tout à la fois ce qui fait l’importance politique et ce qui porte à l’imagination. Il y a peu de jours encore, il n’en était nullement question. Tout au plus apercevait-on cette éventualité dans un terme plus ou moins prochain et dans des conditions que chacun arrangeait suivant sa fantaisie. A l’heure où nous sommes, l’alliance impériale est scellée du double sceau religieux et civil ; la nouvelle impératrice est aux Tuileries dans l’éclat de sa récente majesté, hier brillant dans son salon, aujourd’hui portée au faîte du trône, — ce trône dont on disait autrefois qu’il était le premier de l’univers. L’empereur a agi comme il procède souvent, surprenant ceux qui devaient ou pouvaient être le plus prévenus, déconcertant peut-être autant par la rapidité de ses résolutions que par le