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toute la partie septentrionale de Bornéo ; le sultan de Bruni occupait sur la côte du nord-ouest une longue zone resserrée entre les montagnes et la mer. A l’ouest, et faisant face à la presqu’île de Malacca, s’étendaient les états des sultans de Sambas et l’empire javanais de Succadana; — au sud, non loin de l’entrée du détroit de Macassar, la principauté de Banjermassing. Livrés à de perpétuelles dissensions, inquiétés par les migrations indociles des Chinois, habitués d’ailleurs à la suprématie politique et religieuse des souverains javanais, les sultans de Sambas et de Banjermassing implorèrent plutôt qu’ils ne subirent la tutelle de la compagnie. La principauté de Pontianak, qu’un Arabe avait fondée, vers la fin du XVIIIe siècle, sur les ruines de l’empire de Succadana, se rangea également sous ce joug protecteur. Tels furent les premiers titres de la Hollande à la possession d’une des plus vastes et des plus fertiles portions de la Malaisie. La plupart des colonies européennes, à l’est du cap de Bonne-Espérance, n’ont pas eu de fondemens plus sérieux et plus respectables[1].

Bornéo, Célèbes et Sumatra, malgré les ressources naturelles de leur immense territoire, étaient loin sans doute d’avoir, aux yeux de la compagnie, la même importance que les Moluques : les îles à épices laissaient à Java le premier rang et ne cédaient le second à aucune des autres possessions néerlandaises. Néanmoins, quelque embarrassés que pussent être les marchands d’Amsterdam de l’étendue de leur domination, ils n’étaient plus libres de la restreindre. Le soin d’étouffer dans l’archipel toute concurrence commerciale et d’en éloigner toute influence européenne leur avait successivement commandé l’occupation de Timor, conquête inachevée qu’ils partageaient avec la couronne de Portugal ; — de Banca, dépendance de l’état de Palembang, dont les mines d’étain commencèrent à être exploitées par les Chinois à peu près à la même époque que les mines d’or de Bornéo ; — de Bintang et de Linga, situées en face de l’île alors déserte de Singapore.

Les princes de Sumbawa et de Florès, les sultans de Céram, les chefs indigènes de Bouton et de Salayer se trouvaient également liés envers la compagnie par des traités dont le réseau flexible s’était insensiblement étendu jusqu’à eux. La seule île cependant dont la possession eût pu avoir un intérêt immédiat pour la sécurité des maîtres de Java, Bali, malgré l’apparente déférence de certains

  1. Il suffit d’étudier ce merveilleux développement de la domination hollandaise dans l’archipel indien pour comprendre combien il importe à la France de ne laisser ni périmer, ni contester les droits que lui ont légués, sur un territoire presque aussi vaste et non moins fertile que celui de Bornéo, les entreprises coloniales qui marquèrent, dans la mer des Indes, les premières années du règne de Louis XIV. Ces droits, nous pouvons eu ajourner l’usage; nous ne devons point en méconnaître la valeur ni en accorder le sacrifice.