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dans les colonies dont le spectacle avait provoqué des jugemens si divers. Nous devons la faire servir d’introduction au récit de nos courses dans la partie hollandaise de l’archipel indien, immense arène qui s’ouvrait à nous éclairée et comme élargie par les grands enseignemens de l’histoire.


I.

Aux débuts de ce qu’on pourrait appeler les annales de l’archipel indien, nous trouvons deux forces en présence : d’une part la civilisation hindoue, de l’autre la civilisation musulmane. L’île de Sumatra, voisine de la presqu’île de Malacca, paraît avoir été le principal foyer de la propagande musulmane; la partie orientale de Java fut au contraire le centre où vinrent aboutir, de la côte de Coromandel, les dernières migrations des Hindous. Les brahmes et les sectateurs de Bouddha ont laissé à Java de nombreux monumens de leur passage; ils y ont fondé des villes, élevé des temples, institué des souverains. L’empire de Modjopahit, qui vers la fin du XIVe siècle étendait sa domination jusque sur la côte méridionale de Bornéo et la partie orientale de Sumatra, était un empire hindou. C’est à l’influence de ces migrations que les Javanais ont dû probablement leurs allures patientes et doucement résignées, leur goût pour les travaux agricoles. Il fallut plus d’un siècle à l’islamisme, qui venait d’envahir l’Hindoustan, pour triompher de cette antique civilisation. Enfin en 1476 l’invasion mahométane remporta une victoire décisive. Les princes de Modjopahit s’enfuirent vers l’extrémité orientale de Java, ou cherchèrent un refuge dans l’île de Bali. La destruction de l’empire hindou se trouva consommée, et sur les débris de cet empire s’élevèrent deux dominations distinctes : les provinces de l’est appartinrent au sultan de Demak, celles de l’ouest au sultan de Cheribon. Ces deux états ne tardèrent pas eux-mêmes à se morceler, et Bantam, Jacatra, eurent ainsi que Crissé, Pajang et Mataram, leurs princes indépendans.

L’époque qui suivit la destruction de l’empire hindou fut la période d’expansion de la race malaise. Convertie à l’islamisme, dirigée par des prêtres ou des aventuriers arabes, elle porta le glaive et le Coran jusqu’aux îles Soulou et jusqu’aux bords lointains de Mindanao. Bornéo, Célèbes, les Moluques, les moindres îles de l’archipel indien virent ces guerriers fanatiques inonder leurs rivages et y jeter les fondemens de principautés belliqueuses. Le sultan d’Achem au nord de Sumatra, celui de Ternate au centre des Moluques, les princes de Boni et de Goa dans l’île de Célèbes, balancèrent même pendant long-temps la puissance des sultans javanais; ils eurent des flottes et des armées, et Cherchèrent à étendre leur prépondérance sur les autres îles de la Malaisie. Les Portugais se mêlèrent à ces querelles et s’en