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activement à accroître le nombre en même temps que la qualité de leurs moutons. L’impulsion est donnée de toutes parts, et de grands pas s’accomplissent tous les jours dans cette double voie, mais nous nous sommes mis en marche un peu tard, et l’Angleterre a sur nous une avance que nous parviendrons difficilement à regagner.


III.

La supériorité de l’agriculture britannique sur la nôtre n’est pas tout à fait aussi grande pour le gros bétail que pour la race ovine ; elle est cependant encore sensible.

Le nombre des bêtes à cornes que possède la France est évalué à 10 millions de têtes; le royaume-uni en nourrit environ 8 millions, c’est-à-dire un peu moins; mais si la quantité absolue est inférieure, la quantité proportionnelle ne l’est pas. Sur ce nombre, l’Angleterre et le pays de Galles comptent pour 5 millions de têtes, l’Ecosse pour 1 million, l’Irlande pour 2, c’est-à-dire que l’Angleterre a une tête sur trois hectares, l’Ecosse une sur huit, l’Irlande une sur quatre. En France, la moyenne est d’une tête sur cinq hectares. On voit que la moyenne de la France n’est réellement supérieure qu’à celle de l’Ecosse, dont le sol fait exception ; nous sommes au-dessous de l’Irlande elle-même et assez loin de l’Angleterre. Voilà pour le nombre; quant à la qualité, notre désavantage est plus grand.

L’homme peut demander à la race bovine, indépendamment de son fumier, de son cuir et de ses abats, trois sortes de produits : son travail, son fait et sa viande. De ces trois produits, le moins lucratif est le premier, et nous retrouvons ici une distinction tout à fait analogue à celle que nous avons faite pour les moutons. Pendant que l’agriculteur français demandait surtout au bétail à cornes du travail, l’agriculteur britannique lui demandait surtout du fait et de la viande. Cette seconde distinction a amené des différences presque aussi marquées que la première.

Voyons d’abord les produits du fait dans les deux pays. La France possède à millions de vaches en état de porter, et le royaume-uni 3 millions; mais les trois quarts des vaches françaises ne sont pas laitières, et presque toutes les vaches anglaises le sont. Les exigences du travail, qui demande des races fortes et dures, se concilient difficilement avec le tempérament favorable à l’abondante production du lait. La mauvaise nourriture, le défaut de soins, l’absence de toute précaution dans le choix des reproducteurs, et peut-être aussi, dans l’extrême midi, la sécheresse et la chaleur du climat, achèvent ce que le travail a commencé. Dans les parties de la France où l’attention des éleveurs a été portée par des circonstances locales sur la