Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/264

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’alliance de North et de Fox, c’est donc le rôle du premier surtout qui aurait besoin d’excuse; c’est à lui, non au second, qu’auraient dû s’adresser les reproches de l’histoire, si, par une inégalité dont nous ne nous plaignons pas, on ne jugeait toujours les amis de la liberté avec une sévérité plus exigeante. Visant plus haut, ils ont droit à moins d’indulgence. Toutefois on expliquera difficilement, à l’honneur de lord North, que le chef d’un ministère ennemi des concessions, tombé du pouvoir pour avoir couvert de sa responsabilité l’entêtement royal, ait pu, avec une parfaite conséquence de principes et une scrupuleuse conviction, s’engager dans une combinaison perdue pour avoir, dit-on, livré aux chambres la prérogative de la couronne. Quant à Fox, il ne paraît point qu’il ait fait dans ce ministère rien qu’il n’eût fait dans un autre, et du moins aucun sacrifice de principe ne lui saurait être reproché. Mais voici la faute : lorsqu’on a dit et pensé de la conduite, de la capacité, des doctrines et du caractère d’un homme d’état, tout ce qui s’était pu lire depuis dix ans dans les discours de l’opposition, l’union avec cet homme d’état n’est permise qu’à la dernière extrémité et quand le salut public la commande. Or cette excuse manque à Fox. Malheureusement les hommes supérieurs sont sujets à une illusion, qui même n’en est pas toujours une : ils se figurent volontiers que le pouvoir leur revient de droit, et que leur présence dans le gouvernement est une condition du salut public. Walpole pensait peut-être ainsi, quand il attaquait ses anciens collègues, Stanhope et Sunderland. Une semblable conviction dirigea certainement Chatham dans tout« sa carrière. Elle fit sa gloire lorsqu’en 1757 il s’allia au duc de Newcastle; elle l’égara quand en 1766 il composa le cabinet inexplicable du duc de Grafton. Un homme d’état que nous avons nommé, Peel, eut assurément la même confiance en soi, et bien en a pris à son pays et à sa renommée. Quant à Fox, il avait débuté avec un tel éclat, il s’était senti porté au premier rang par des qualités si solides et si brillantes, qu’il avait bien pu, lui aussi, se persuader que le ministère lui appartenait, et qu’il devait à tout prix gouverner. Ses partisans n’étaient pas éloignés de le croire, et Horace Walpole incline à cette idée dans ses lettres. Burke, dans l’orgueil de son amitié, pouvait concevoir pour son ami de ces présomptueuses pensées, et, qui sait? en garder quelque chose pour lui-même. Ainsi s’explique en partie leur conduite à tous deux dans le pouvoir et dans l’opposition. Le public est d’ordinaire fort sévère pour ces illusions des hommes supérieurs; il ferait mieux cependant de garder ses rigueurs pour celles des hommes médiocres, car ceux-là aussi se croient quelquefois une mission.

Pitt, qui avait formé le nouveau cabinet, fit alors un acte audacieux. Après avoir tâté la chambre par un bill sur l’Inde qu’elle