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noble et touchante inscription : « Américains, tandis que de cette éminence votre vue se promène sur une contrée fertile, sur les merveilles d’un commerce florissant et sur les asiles du bonheur social, n’oubliez pas ceux qui, par leurs efforts, vous ont assuré ce bonheur. » Il y a même des légendes sur ce passé encore si voisin. Dans le parc, on montre la place où était l’arbre de la liberté, le père de tous ceux du continent, qui fut détruit par les Anglais en 1775, et, dit-on, en écrasa un en tombant. Cette grande maison, d’un aspect singulier, avec son toit pointu, ses nombreuses fenêtres, son air d’un autre temps, c’est Faneuil-Hall, lieu célèbre dans l’histoire de la révolution par les délibérations patriotiques dont il fut alors le théâtre, et qu’on appelle le berceau de la liberté. On pourrait donner ce nom à la ville même de Boston. C’est d’ici que partirent les miliciens qui poursuivirent si rudement les troupes anglaises dans les prés de Lexington, premier combat livré pour la cause de l’indépendance. La ville est dominée par les hauteurs de Bunker-Hill, sur lesquelles s’élève un monument commémoratif de la résistance que ces troupes novices y opposèrent aux soldats anglais. On a placé dans le monument l’ingénieux appareil imaginé par M. Foucaut pour rendre sensible le mouvement de la terre ; un autre appareil semblable existe près de Boston, à l’université de Cambridge. Cette double reproduction d’une expérience curieuse semble indiquer qu’on cherche à se tenir ici au courant des travaux de l’Europe.

On voit à Boston le lieu où est né Franklin, et où fut la boutique dans laquelle il commença, en faisant des chandelles, cette carrière qu’il termina après avoir agrandi le champ des connaissance humaines, après avoir été à la mode dans les salons de Paris, et concouru, ce qui vaut mieux encore, à fonder l’indépendance de son pays.

Franklin est un personnage à part dans l’histoire des États-Unis. Homme de science, de raisonnement pratique, de philosophie positive, bien que né à Boston, il est entièrement étranger à l’élément puritain de la Nouvelle-Angleterre. Philosophe du XVIIIe siècle, par la direction de son esprit il a été le lien de l’Amérique nouvelle et de l’Europe. Les autres hommes de la révolution, Washington à leur tête, avaient beaucoup du type anglais. Il est moins marqué chez Franklin : Franklin aurait plutôt quelque chose de l’esprit français, s’il n’était parfaitement Américain.

Je vais commencer le cours de mes visites et de mes conversations. Aux États-Unis, ce qui est intéressant, ce ne sont pas les monumens, mais les institutions et les hommes. J’irai donc étudiant les unes et interrogeant les autres. En ce pays, où tout change sans cesse, où tout se fait par le concours des efforts individuels, on ne peut trouver rassemblés nulle part les renseignemens dont on a