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des travaux d’utilité publique, en réservant ceux qui emportent un subside ou une dépense de l’état, et qui devront, à ce titre, recevoir préalablement la sanction législative. Enfin désormais le budget continuera d’être présenté par chapitres au corps législatif, mais celui-ci ne pourra le voter que par département ministériel, laissant au pouvoir exécutif la liberté de se mouvoir dans les limites d’un ministère pour l’affectation des fonds. Tels sont quelques-uns des changemens les plus graves destinés à coordonner la législation française avec les institutions actuelles. M. Troplong, dans son rapport, expose les motifs de ces changemens sans déguiser les questions qu’ils soulèvent, lesquelles ont paru suffisamment tranchées par l’esprit même de la constitution. Nous exposons à notre tour le résultat des délibérations du sénat. Ce qui nous frappe dans le rapport de M. Troplong, c’est que ce travail ressemble par momens à un bulletin racontant un long combat entre le principe des pouvoirs sans partage et le principe des pouvoirs pondérés, mitigés par l’intervention et le contrôle des assemblées politiques. La bataille s’engage sur toute chose : sur les finances, sur les travaux publics, sur la moindre prérogative. Chacun a la victoire à son tour, selon le vent qui souffle. Malheureusement dans cette lutte, quel que soit le vaincu, n’est-il point vrai que c’est toujours un élément essentiel de toute organisation publique ? Et cela ne démontre-t-il pas qu’il a dû y avoir depuis longtemps quelque vice secret dans notre vie politique pour qu’elle se soit si souvent résumée dans cet antagonisme ardent entre deux forces appelées à agir ensemble, à concourir, chacune dans sa sphère, au bien commun, à l’administration commune de la société et du pays ? Puissions-nous, à la lumière des expériences de ce demi-siècle, nous apercevoir que la meilleure manière d’entendre la liberté ce n’est point de contester, de harceler sans cesse le pouvoir jusqu’à ce qu’il succombe, et que le meilleur moyen de fonder l’autorité, c’est de l’asseoir sur des garanties libérales et justes ! Dans l’ordre politique, il n’est pas d’enseignement plus éclatant. Quant à la situation matérielle et financière du pays, on sait le degré d’activité qui régnait depuis quelques mois dans ce domaine des affaires et des intérêts. Il semble que cette activité se soit un moment suspendue, ou du moins que ce qui n’était qu’une ardeur fiévreuse se soit un peu apaisé, pour ne laisser place qu’au mouvement ordinaire de cette époque de l’année. On n’en peut douter, il s’est manifesté depuis un an une réelle amélioration dans le domaine matériel. Pour donner une mesure de cette amélioration, le gouvernement publiait, il y a peu de jours, un exposé financier de l’exercice courant. Les revenus indirects, qui avaient été évalués pour 1852 à 37 millions de plus que pour 1851, ont déjà dépassé le chiffre des évaluations primitives. L’augmentation est jusqu’ici de 51 millions. Quelque réel que soit cependant le progrès des recettes publiques, il n’y en aura pas moins un déficit que le gouvernement fixe à 40 millions, mais dont l’importance diminue à ses yeux devant la renaissance de l’activité, de l’industrie, du commerce et de la richesse nationale. Ainsi donc, au point de vue politique comme au point de vue matériel, l’année 1852 laisse la France calme sous l’empire de ses institutions nouvelles, oubliant dans le repos les préoccupations d’autrefois, ayant encore des déficits, mais faisant ses affaires et ne demandant pas mieux que de goûter les bienfaits d’une prospérité retrouvée. Elle laisse le gou-