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Ces ovations populaires et princières, ces félicités de cœur plus douces encore, dédommageaient sans doute Beaumarchais du coup que le parlement venait de lui porter ; cependant le coup était cruel. À la vérité, le parlement Maupeou ne devait pas survivre longtemps à cet acte de colère et de vengeance. En frappant de mort civile un homme que l’opinion portait en triomphe, il s’était lui-même frappé à mort. L’opposition se déchaîna contre lui avec un redoublement de fureur, les pamphlets en prose et en vers prirent une vivacité nouvelle[1].

    elle est ravissante. Quelques lettres d’elle que nous citerons en leur lieu prouveront qu’elle était de plus une femme très remarquable par l’intelligence, l’esprit et le caractère.

  1. Par un de ces jeux de mots dans le goût des Parisiens, on disait, en faisant allusion au procès Goëzman : « Louis XV a détruit le parlement ancien, 15 louis détruiront le nouveau. » Bachaumont parle sans le citer d’un noël satirique très couru où figuraient tous les personnages et tous les incidens du procès de Beaumarchais. Je trouve ce noël dans les papiers de Julie, et comme il y en a deux exemplaires écrits de sa main avec des variantes, comme elle aimait beaucoup à se livrer à ce genre de poésie un peu burlesque, je serais porté à croire qu’elle est l’auteur du noël en question, dont voici quelques couplets ; il est sur l’air des Bourgeois de Chartres.

    D’une vierge féconde
    L’enfantement, dit-on,
    Attira bien du monde
    À Jésus et l’ânon.
    Nous étouffons ici, dit l’enfant à sa mère,
    Renvoyez-moi ce parlement.
    Non, dit Maupeou tout doucement,
    À l’âne il pourra plaire.

    C’est devant l’âne, en effet, que comparaissent successivement tous les personnages immortalisés par les mémoires de Beaumarchais, depuis le conseiller et sa femme jusqu’à Marin et Baculard. Le premier président lui-même, M. Berthier de Sauvigny, n’est pas oublié, comme on en jugera par ces couplets, qui terminent le noël :

    Le président suprême,
    Avec ses yeux de bœuf
    Et son esprit de même,
    Porte un édit tout neuf.
    Donnez-le, dit l’ânon, j’en veux un exemplaire.
    Il suffit qu’il n’ait pas de sens,
    Je le lirai de temps en temps
    Pour m’exciter à braire…

    Certain ex-militaire (*)
    Dont on sait la valeur,
    De Goëzman le faussaire
    Digne solliciteur,
    Voyant près du Sauveur Beaumarchais à sa place,
    Dit en jurant comme un païen :
    « Gens du guet, prenez le coquin,
    Il me fait la grimace. »

    Jésus s’écrie : « Arrête,
    Modère ton ardeur :
    Capitaine tempête,
    Surtout de la douceur ;