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REVUE DES DEUX MONDES.

— Tu l’as trouvée ? dit Lazare, qui devina.

— Oui, répliqua Zéphyr en fouillant dans sa poche, d’où il retira une clé. — Dame, continua l’apprenti, quand on vous fait jeûner les trois quarts du temps… — Et ayant ouvert l’armoire, il commença à tirer un plat dans lequel restait un appétissant morceau de viande du souper de la veille.

— Brûlé, fit-il avec dépit en tournant le gigot dans tous les sens.

— C’est ta faute ; la Madelon ne pouvait pas être hier à la broche et à te faire chauffer des serviettes pour te secourir.

— C’est vrai, dit Zéphyr en enveloppant le gigot dans un journal et en le glissant dans le bissac ; puis il se remit à l’inventaire de l’armoire. Il amena l’un des deux brochets que l’on n’avait pas entamés la veille. Avant de le mettre dans le sac, il le flaira avec soin, et secoua la tête d’un air à demi satisfait. Il se décida à l’emporter en murmurant : — Pas frais ! Enfin, avec de la sauce…

— Tu vas emporter de la sauce ? fit Lazare, étonné de tous ces préparatifs ; dans quoi ? s’il te plaît.

— Dans ça, répondit Zéphyr avec le même laconisme. Et il se mit à verser dans une petite bouteille de l’huile et du vinaigre, en ayant soin d’ajouter le sel et le poivre, très minutieusement divisés. Ceci achevé, il mit la bouteille dans sa poche et retourna à l’armoire.

— Que cherches-tu encore ? demanda Lazare.

— Vin, dit Zéphyr tranquillement, et il monta sur une chaise pour atteindre à un rayon supérieur de l’armoire, où l’on apercevait trois ou quatre bouteilles cachetées.

— Ce n’est pas le vin d’ordinaire, fit l’artiste.

L’apprenti secoua la tête, montra le cachet et murmura : — Meilleur. Puis, ayant enveloppé deux bouteilles séparément dans un torchon, pour qu’elles ne se brisassent point au choc, il les fit couler dans le grand sac, où il ajouta encore la moitié d’un pain et des couverts, ainsi que deux gobelets. Ensuite il ferma l’armoire et laissa la clé dessus.

— Tu vas donc dire à Madelon que tu as retrouvé la clé ? demanda Lazare.

— Non, vous direz que c’est vous qui l’aviez emportée l’an passé.

— Pourquoi donc l’aurais-je emportée ?

— Pour lui faire une niche. — Et s’étant chargé du bissac, Zéphyr sortit de la salle à manger. On était déjà sur le seuil de la porte, quand l’apprenti parut frappé d’une idée et retourna au jardin.

— Où vas-tu encore ? demanda Lazare.

— Dessert, répondit Zéphyr avec son même laconisme, et il se mit en devoir de cueillir trois ou quatre beaux fruits qui pendaient à l’espalier, et dont il avait eu grand soin d’examiner le degré de ma-