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contre des reproches destinés à retomber d’un poids si lourd sur la tête de leurs auteurs. La royauté, entrée deux fois en Belgique, n’a pas rassemblé une grande armée au pied des Alpes pour assister l’arme au bras à l’invasion du Piémont ; on l’a vue à Ancône quand l’Autriche était à Bologne, et il a été donné à ses flottes d’assister à d’autres bombardemens qu’à celui de Païenne. Après que la révolution de 1848 a donné de tels gages de ses résolutions pacifiques, le système extérieur de la monarchie de 1830 est définitivement jugé : il reste constaté qu’en détournant par son habileté persévérante une guerre qui menaçait l’ordre social tout entier, Louis-Philippe a pris place, à son heure, parmi ces hommes suscités pour détourner le cours de calamités imminentes, et que l’immuable pensée de son règne fut la pensée même de son siècle.

Cette base posée emportait tout un système politique. Jeté en pleine bourgeoisie, le gouvernement recevait charge d’initier aux affaires des hommes plus accoutumés à blâmer le pouvoir qu’à l’exercer, et sa préoccupation la plus constante allait être de combattre dans les masses l’esprit militaire en leur procurant et plus d’habitudes d’aisance et de plus grandes facilités de travail. Provoquer tous les intérêts pacifiques pour les opposer aux instincts belliqueux de la nation, continuer les traditions extérieures de l’antique monarchie avec des instrumens nouveaux, accepter toutes les conditions du gouvernement représentatif quant aux personnes, mais en donnant pour contre-poids à l’inexpérience et à la mobilité de celles-ci l’action personnelle de la royauté dans la sphère de ses attributions constitutionnelles : tel fut le difficile programme que se traça le duc d’Orléans au moment même où une extrémité terrible le plaçait sur un trône érigé par deux partis à la veille d’engager l’un contre l’autre une lutte à mort.

Ces partis comprenaient en effet d’une manière diamétralement opposée le rôle du gouvernement issu de leur union fortuite. — Le droit de ce pouvoir était, pour l’un, dans une insurrection triomphante, et son œuvre était la guerre, comme son titre était la force. L’autre s’efforçait de justifier l’origine de la royauté nouvelle par une sorte de droit résultant de la violation des lois fondamentales ; il lui assignait pour mission le maintien de la paix du monde et le développement régulier de la liberté constitutionnelle en Europe, et répudiant comme un non-sens et un mensonge la souveraineté numérique, il s’efforçait cle lui opposer, en même temps qu’à la doctrine du droit inamissible des dynasties, un droit fondé sur l’intérêt national et proclamé par les interprètes légaux de cet intérêt même.