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envisage la situation du continent, il n’y a, aujourd’hui comme hier, que deux politiques en présence : celle qui, en sauvegardant la paix, garantira la sécurité intérieure, l’ordre matériel dans chaque pays, et celle qui, en mettant la paix en danger, ramènera la révolution, comme une alliée pour les uns, comme une ennemie pour les autres, et probablement pour profiter des désastres de tous. Le choix des cabinets ne saurait assurément être douteux, comme le gouvernement français semble avoir déjà fait le sien jusqu’ici.

C’est là en effet, ainsi que nous le disions, un des principaux traits du discours du chef de l’état à l’inauguration de la session législative. L’empereur, une fois de plus, rattache la politique extérieure de la France à la pensée de la paix, d’une paix digne, honorable et profitable pour tous. Cette pensée même semble être pour le chef du nouvel empire l’objet d’une vive et constante préoccupation, manifestée depuis quelque temps dans plus d’une occasion et sous diverses formes par le gouvernement. Quant à l’intérieur, l’empereur dans son discours ne pouvait que constater la situation de la France après un an de repos, — le calme du pays, le progrès de la fortune nationale, l’amélioration des ressources publiques, le développement de l’industrie et du commerce. Au demeurant, dans cette phase nouvelle où la France est entrée, bien des habitudes ont dû se transformer. Les partis eux-mêmes, éprouvés par les événemens, sont tenus de chercher à se rajeunir, à se retremper au contact des intérêts réels et permanens, à se dépouiller de tout étroit esprit de coterie ou de secte. N’est-ce point ainsi que la situation d’un pays arrive graduellement à s’adoucir et à se détendre ? N’est-ce point ainsi qu’on peut revenir pas à pas vers cette liberté dont l’empereur parlait l’autre jour, et qu’il représentait non comme un instrument de fondation, mais comme le couronnement des édifices politiques que le temps consolide ? S’il nous était permis d’interpréter cette haute et sérieuse pensée, nous pourrions dire, nous aussi : Oui sans doute, la liberté par elle-même, considérée absolument, ne fonde rien ; elle n’est qu’un mot dont on flatte les passions. La liberté n’est puissante, efficace et réelle, qu’avec les mœurs qui l’entretiennent, avec l’instinct moral qui la discipline, avec toutes les notions de vérité et de justice qui lui tracent la route, et alors elle est le couronnement naturel de ces vertus et de ces mobiles qu’elle suppose, et sans lesquels elle n’est qu’une déception périodique. Aussi ce qu’il faut prêcher aux peuples, ce n’est point la liberté en elle-même, c’est l’ensemble des vertus qui la rendent possible, infaillible et féconde ; ce qu’il faut leur montrer dans la liberté, ce n’est pas un droit qu’on acquiert en naissant, c’est une conquête laborieuse et lente, achetée par le respect de la loi, par la vigueur intérieure de la conscience, par une perpétuelle surveillance sur soi-même et par un effort permanent pour concilier le respect de la société avec l’usage libre des facultés individuelles. C’est ainsi que nous nous permettrions d’interpréter une pensée qui dit d’ailleurs très-certainement tout ce qu’elle veut dire.

Maintenant la session est commencée, et les travaux qui l’alimenteront vont suivre leur cours sous nos yeux. Si le corps législatif a aujourd’hui moins d’éclat et de retentissement qu’autrefois, il lui reste du moins le domaine des affaires pratiques, où il peut exercer une utile influence. Le sénatus-consulte du mois de décembre, on s’en souvient, a tracé d’une manière