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sans atteindre toutefois à la taille du bekeur-el-ouhach. Le lerouy, qu’on appelle aussi tis-el-djebel (bouc de montagne), se tient au milieu des roches et des précipices : c’est là qu’il faut le poursuivre à pied, à travers mille périls. Comme les animaux de cette famille courent très mal, un chien ordinaire les prend facilement aussitôt qu’ils descendent dans la plaine ; mais ils ont, à ce que l’on affirme, un singulier privilège. Un lerouy poursuivi par des chasseurs se jette dans un précipice profond de cent coudées et tombe sur la tête sans se faire aucun mal. — On constate l’âge de la bête par les bourrelets de ses cornes ; chaque bourrelet indique une année. Le lerouy et la gazelle ont deux dents incisives ; ils n’ont pas les dents (robaï) situées entre les incisives et les canines.

Si la chasse au lerouy est le triomphe de l’homme à pied, la chasse à l’autruche est le triomphe du cavalier. Par ces journées de sirocco où une sorte de sommeil brûlant semble peser sur toute la nature, où l’on croirait que tout être animé doit être condamné au repos, d’intrépides chasseurs montent à cheval. On sait que l’autruche, de tous les animaux le moins fertile en ruses, ne fait jamais de détours ; confiante en sa seule agilité, elle échappe par une course droite et rapide comme celle d’un trait. Cinq cavaliers se portent à des intervalles d’une lieue sur la ligne qu’elle doit parcourir. Chacun fournit son relai. Quand l’un s’arrête, l’autre s’élance au galop sur les traces de l’animal, qui se trouve ainsi ne pas avoir un moment de relâche et lutter toujours avec des chevaux frais. Aussi le chasseur qui part le dernier est nécessairement le vainqueur de l’autruche ; cette victoire n’est pas sans danger. L’autruche, en tombant, inspire au cheval, par le mouvement de ses ailes, une terreur qui est souvent fatale au cavalier. On ne met aux chevaux qui doivent fournir ces ardentes courses qu’une seule housse et une selle d’une extrême légèreté ; quelques cavaliers n’emploient même que des étriers de bois et un mors très léger, également attaché par une simple ficelle. Le chasseur porte avec lui une petite outre remplie d’eau ; il humecte le mors d’heure en heure pour maintenir dans un état de fraîcheur la bouche de son cheval.

Cette course à cinq cavaliers n’est pas, du reste, la seule manière de chasser l’autruche. Quelquefois un Arabe qui connaît à fond les habitudes de ce gibier va se poster seul près d’un endroit où l’autruche passe d’ordinaire, près d’un col de montagne par exemple, et, aussitôt qu’il aperçoit l’animal, il se lance au galop à sa poursuite. Il est rare que ce chasseur réussisse, car peu de chevaux peuvent atteindre l’autruche. Abd-el-Kader a conservé le souvenir d’une jument noire qui excellait dans cette chasse. Quoique le cheval soit habituellement employé contre l’autruche, il n’est pas cependant