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pour la propriété mobilière. Elle prête sur effets publics, titres de rente, actions industrielles. Ses statuts l’autorisent à s’intéresser directement elle-même dans les grandes entreprises de l’industrie et du commerce, notamment, dans celles de chemins de fer, et à soumissionner des emprunts. La société de crédit mobilier peut de la sorte devenir en certains momens un auxiliaire utile pour l’état et donner une impulsion nouvelle aux travaux publics. Elle repose sur un fonds social de 60 millions, qui, lorsqu’il sera réalisé en totalité, se décuplera par l’émission d’obligations à longue échéance. Comme on le voit, la société nouvelle est destinée à devenir en quelque façon l’ame et le ressort du crédit et de l’industrie. Nous ne nous étendrons point sur tous les détails d’une telle combinaison ; il suffit d’en marquer le caractère général. Au fond, quel est le sens de cette institution comme de bien d’autres mesures aujourd’hui ? C’est incontestablement d’accélérer le mouvement des affaires et des transactions, de faire servir le crédit aux travaux et aux entreprises d’utilité publique, de faciliter la circulation des capitaux en les mettant, par un intérêt progressivement réduit, à la portée de ceux qui ont à invoquer leur secours. La seule chose qu’il y ait à souhaiter, c’est que toute cette ardeur et tout ce mouvement se développent dans des conditions normales, régulières, et que tous ces intérêts engagés ne deviennent point le butin d’une spéculation heureuse et prompte à surprendre les rtveils de la confiance publique. — Ainsi donc, qu’on observe l’ensemble de la situation actuelle de la France : dans l’ordre politique, c’est un gouvernement qui se fonde ; dans l’ordre matériel, c’est du moins un grand essor, si ce n’est une prospérité bien assise encore. Mais, dans l’ordre intellectuel, aperçoit-on les mêmes symptômes ? Y a-t-il quelque chose qui se fonde ? Peut-on distinguer quelque mouvement semblable à ce réveil de l’activité matérielle ?

Dans l’ordre intellectuel malheureusement, ce n’est point assez d’un instant de repos. Il ne suffit pas de combinaisons ingénieuses et de banques. Si la confiance publique et le crédit sont difficiles à manier et susceptibles de bien des caprices dans leurs évolutions, il y a quelque chose de plus délicat et de plus mystérieux encore dans ses mouvemens de décroissance ou de progrès, d’atonie ou d’activité : — c’est l’intelligence. Nous n’en sommes point à constater, les langueurs et les défaillances de l’inspiration contemporaine. Les symptômes d’un étrange affaiblissement se reproduisent partout, au théâtre comme dans les livres, en France comme dans toute l’Europe. La réouverture du Théâtre-Italien, qui vient d’avoir lieu sans un bien grand éclat, est une preuve de plus de la vérité de ces considérations. La rareté des bons chanteurs et la pénurie encore plus grande des compositeurs rendent bien difficile l’existence de ce théâtre, qui a joui d’une si brillante fortune pendant les trente dernières années.

S’il fallait chercher les causes de cette atonie singulière, il ne serait pas difficile peut-être d’en dire au moins quelques-unes. Ce n’est pas vainement que l’esprit reste si long-temps soumis à cette action des révolutions, qui confondent toutes les notions, celles du beau aussi bien que celles du vrai, — qui énervent. ou égarent les pensées, accréditent toutes les perversités de l’imagination, et font monter à la surface de la société toute sorte de vulgarités grossières et orgueilleuses. L’esprit littéraire se corrompt à ce spectacle aussi bien