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LA


POÉSIE ET LA CRITIQUE


EN 1852.





Je veux essayer de caractériser en quelques pages la physionomie générale de notre littérature. Je ne me dissimule pas les difficultés d’une pareille tâche. Aussi m’efforcerai-je de la circonscrire dans des limites bien précises. Bien que la littérature, envisagée dans sa formule la plus vraie, comprenne la philosophie et l’histoire aussi bien que la poésie, je réduirai ma tâche à cette troisième et dernière partie de la littérature. Je sais que la réalité ou l’histoire sert de point de départ à la vérité, c’est-à-dire à la philosophie, je sais que l’histoire et la philosophie sont les deux fondemens de toute poésie vraiment digne de ce nom ; mais il faudrait, pour éprouver par une critique sévère les trois formes de la pensée humaine, trop de temps et d’espace, et pourvu que j’arrive à dire, sur le tiers seulement de cette matière, quelque chose d’évident et de salutaire, je n’aurai pas perdu ma peine.

Nous sommes maintenant entrés dans la seconde moitié du siècle ; nous pouvons comparer les œuvres aux promesses. La postérité sera sans doute plus sévère que nous, car elle aura devant elle des points de comparaison plus nombreux. Dans dix ans, la vérité d’aujourd’hui ne sera plus qu’une vérité incomplète. Cependant il nous est donné dès aujourd’hui d’estimer l’esprit littéraire de notre temps. La première moitié du siècle auquel nous appartenons se divise en effet en trois parties bien distinctes, dont chacune a produit ses théories et ses œuvres. L’époque consulaire et impériale a cru de bonne foi