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probablement dans l’avenir la millième partie des efforts qu’il me fallut faire pour le proférer... »


Coverdale, après cette rupture, se décide à quitter la ferme pour quelque temps. Cette querelle lui fournit un prétexte pour se séparer d’une société qui commençait à l’opprimer comme un cauchemar. Dans la compagnie de ces rêveurs, ses facultés perdaient leur équilibre, ses sentimens leur force; la réalité perdait de son empire salutaire sur son esprit. «Aucun homme sagace, dit-il très judicieusement, ne gardera long-temps sa pénétration, s’il vit exclusivement parmi des réformateurs, si, retournant de temps à autre au milieu du vieux système établi, il ne cherche pas à contrôler ses nouvelles observations et à les considérer de ce point de vue antique. Il était temps pour moi de sortir de là et d’aller causer un peu avec les conservateurs, les écrivains du North American Review, les marchands, les politiques, les professeurs de Cambridge. » D’ailleurs il découvrait chaque jour un nouveau défaut dans l’association : tantôt il remarque qu’on a oublié de fixer un lieu pour l’établissement d’un cimetière, une autre fois qu’on n’a pas songé à régler le cérémonial des mariages, comme si ces oublieux utopistes ne devaient jamais mourir et pensaient pouvoir régénérer le monde par un célibat éternel. D’autre part, peut-être trouverait-il à la ville des renseignemens sur certains mystères qui, depuis quelque temps, inquiétaient son esprit et piquaient sa curiosité. Dégoût, ennui, curiosité le poussent donc à la fois à quitter la ferme.

Cette bizarre histoire, très compliquée sous sa simplicité apparente, devient ici plus équivoque que jamais. La conscience de tous ces personnages n’est pas saine, comme on le voit; les notions du bien et du mal, de l’honneur et de la vertu, en passant dans leur esprit, s’y sont défigurées. Comment peut-on arriver, par exemple, à mettre tout son cœur dans des passions fausses comme Zénobie? Comment peut-on arriver, comme Priscilla, à aimer sans avoir conscience de son amour, à aimer servilement pour ainsi dire? Un mystère enveloppe l’existence de ces deux femmes. Pendant qu’il était à la ferme, Coverdale a reçu deux visites singulières : l’une, celle d’un pauvre vieillard nommé Moodie, qui s’est informé avec soin de Zénobie et de Priscilla. Zénobie aime-t-elle Priscilla? a demandé le vieillard; puis, caché derrière les arbres, il a contemplé avec ravissement la belle figure de Zénobie comme peuvent seuls le faire un père ou un amant. Une autre fois, pendant que Coverdale se reposait après ses travaux, un étranger s’est approché de lui, et avec une familiarité insultante il s’est enquis de certaines particularités sur l’existence présente de Zénobie et de Priscilla. Coverdale répond avec défiance aux questions de ce personnage doué d’une belle figure, mais suintant pour ainsi dire par tous les pores