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restent à peu près les mêmes, si ce n’est que M. Cibrario passe des finances à l’instruction publique. Quel que soit le mérite des ministres actuels du Piémont, il est évident, comme nous le disions, que la signification politique du nouveau cabinet est tout entière dans son chef. Il y a long-temps déjà que M. de Cavour visait à ce poste éminent. Il y a plusieurs mois, il essayait d’y arriver par une évolution parlementaire qui mettait le ministère d’Azeglio, dont il faisait partie, en minorité dans la chambre, et qui le laissait, lui, avec la majorité. Cela ne réussit point. D’autres évolutions ont mieux réussi aujourd’hui. Ce n’est point que M. de Cavour ne soit par lui-même un homme remarquable. C’est une intelligence des plus vives et des plus ouvertes, un esprit des plus habiles, plein de ressources, fécond en expédiens. Aussi a-t-il su préparer ses voies et se trouver là pour recueillir la succession de M. d’Azeglio, qu’il avait peut-être bien contribué à ouvrir. Seulement M. de Cavour nous semble parfois avoir une vocation trop décidée pour sauver le système constitutionnel à Turin, — à la condition d’être président du conseil. Il faut prendre garde qu’on peut faire courir un véritable danger à un régime politique en se donnant pour le sauveur attitré et unique de ce régime. Au surplus, les occasions ne vont pas manquer à M. de Cavour pour appliquer les talens réels qu’il possède. Le Piémont a en effet plus d’une question difficile. Au premier rang est la loi du mariage civil, qui se représentera nécessairement à la réouverture des chambres. On a parlé aussi d’une mesure non moins grave, qui est l’incamération, ou, pour parler plus clairement, la dépossession des biens ecclésiastiques. Toutes ces questions délicates et épineuses sont les élémens naturels des rapports du Piémont avec Rome. Des négociations se poursuivent encore en ce moment. Peut-être arrivera-t-on, par transaction, à appliquer à la constatation civile du mariage le régime mixte aujourd’hui en vigueur à Naples. Quant à la question des biens ecclésiastiques, elle promet d’assez sérieuses complications, que M. de Cavour s’épargnera sans nul doute, s’il craint de n’y point réussir. Au fond, nous le croyons bien, son libéralisme n’est point de ceux qui ne sauraient au besoin s’accommoder avec les circonstances et se régler sur les nécessités du moment.

est enfin un point où peut très amplement s’exercer l’habileté du nouveau président du conseil piémontais : c’est l’état des finances. L’ancien ministre, M. Cibrario, faisait tout récemment publier une statistique financière des plus instructives, qui va de 1847 à 1852. On peut voir là ce que ces dernières périodes, pleines d’orages, si onéreuses pour tous les pays, ont coûté au Piémont. Il y a quelques années à peine, le Piémont n’avait presque point de dette publique : chacun de ses budgets se soldait par un surplus de recettes, et il y avait d’assez fortes réserves ; aujourd’hui, par suite d’emprunts successifs de tout genre contractés en 1848 et 1849, la dette s’élève à 512 millions ; chaque année en outre a un déticit qui arrive, en 1852, à 23 millions. C’est donc à bien juste titre que l’état des finances excite les plus vives préoccupations des hommes politiques du Piémont. Ce n’est point d’ailleurs le seul objet sur lequel se font des publications utiles à Turin : les esprits se tournent de plus en plus vers Fétude des plus sérieux problèmes d’administration, d’économie, d’amélioration morale et matérielle, de bienfaisance ; nous n’en voulons pour preuve que l’ouvrage distingué mis au jour à Turin par