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LE PROBLÈME DE 89.

son exemple, leurs utopies avec du sang. La constituante a engendré la convention, non pas seulement par l’effet de l’inexpérience passionnée de ses membres, mais par l’action nécessaire de leurs idées. C’était à la constitution démagogique de Condorcet et de Hérault de Séchelles qu’allaient aboutir les doctrines des auteurs de la déclaration des droits. Le parti constitutionnel marchait, sans s’en douter, tout droit à la république ; ses grands seigneurs étaient des démagogues en bas de soie, et Lafayette fut un Santerre qui s’ignorait lui-même. Suivant l’écrivain qui s’est donné la mission d’ajouter une page à l’acte d’accusation commencé par Edmond Burke et continué par Joseph de Maistre, la tentative de 89, antichrétienne par essence, fut inspirée par l’orgueil et soutenue par la cupidité. L’assemblée constituante aurait donc suscité la guerre qui se poursuit aujourd’hui contre l’ordre social sous ses trois aspects principaux : la famille, qui est le lien des hommes dans le temps ; la religion, qui est celui des âmes dans l’éternité ; la propriété, par laquelle l’homme s’associe la nature extérieure et l’élève jusqu’à lui, en lui empruntant pour ses œuvres le plus puissant élément de stabilité. M. Du Boys prétend démontrer que les principales créations de l’assemblée constituante dans l’ordre philosophique et législatif impliquent une atteinte ou patente ou cachée à l’un de ces trois grands principes générateurs des sociétés humaines. La déclaration des droits est le texte principal de ces accusations, qui doivent nous arrêter un moment.

Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Commencer par un tel article une œuvre constitutionnelle, c’est, d’après l’honorable écrivain, donner contre soi des armes formidables et préparer le triomphe de l’anarchie. De quelle liberté l’homme jouit-il en naissant ? Jeté chétif et nu sur la terre, ne faut-il pas qu’il abrite long-temps son existence sous l’aile maternelle et qu’il se serre contre le sein qui l’a conçu ? Plus faible et plus dépendant qu’aucune créature, possède-t-il une autre liberté que celle de ses larmes ? Dans les innombrables créations de la nature, rien n’est identique, par conséquent rien n’est égal. Prétendre que tous les hommes naissent égaux, c’est mettre l’enfant au berceau sur le même rang que son père et nier dans sa base la hiérarchie domestique ; c’est protester contre la nature elle-même, qui a prodigué partout l’inégalité dans la répartition de la force et de la beauté, comme dans celle de l’intelligence et de la richesse. De quelque côté que l’homme projette ses regards, il aperçoit des droits s’élevant contre les siens, et des bornes posées à cette indépendance dont une législation imprudente et mensongère lui présente le décevant mirage.

Tel est le côté par lequel l’auteur des Principes de la Révolution attaque l’œuvre promulguée par la constituante. Il ne livre pas un