Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 16.djvu/741

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

démission de M. le baron de Stein. Le jour même où il quittait la direction des affaires, le ministre adressait à tous les fonctionnaires de la Prusse une circulaire éloquente où il rappelait tout ce qu’il avait fait déjà pour le salut de l’Allemagne, et annonçait les projets ultérieurs qui auraient été le complément de son œuvre. Plus il travaille à la restauration de sa patrie, plus les principes de 89 s’imposent naturellement à sa pensée. Ce testament politique du grand patriote renferme les innovations les plus hardies. Ce ne sont plus seulement des réformes qu’il désire, c’est une transformation complète de l’état; il veut une grande représentation nationale. «Tous les systèmes représentatifs essayés chez nous jusqu’ici, s’écrie-t-il enfin, ont été complètement défectueux. Voici le plan nouveau que j’avais adopté : tout citoyen actif, qu’il possédât cent mesures de terre ou n’en possédât qu’une seule, qu’il fût agriculteur ou fabricant, qu’il exerçât une profession indépendante ou remplît une fonction publique, tout citoyen actif devait avoir le droit de suffrage et être représenté dans les conseils du roi. »

Un esprit aussi actif, un novateur si résolu, et qui, au moment où sa carrière politique semblait brisée, entretenait encore si vaillamment les espérances du patriotisme, devait continuer à tenir en éveil une police soupçonneuse. Le parti français à Berlin, le comte Voss, le prince d’Hatzfeld, bien d’autres encore, ne se faisaient pas faute de dénoncer M. de Stein comme le plus grand ennemi de la Prusse et de la paix générale. Ces rapports allaient trouver Napoléon en Espagne; inquiet d’une guerre impolitique, troublé peut-être au fond de sa conscience hautaine, irrité à coup sûr des blâmes assez peu déguisés de la France et des espérances manifestes du peuple allemand, le vainqueur d’Austerlitz était de plus en plus entraîné à des actes de domination violente. Stein se disposait à partir pour Breslau, où l’évêque lui offrait chez lui une retraite, lorsque, dans les premiers jours de janvier, le nouveau ministre français auprès du gouvernement prussien, M. de Saint-Marsan, arrivait à Berlin, portant le décret dont voici le texte :

« 1er Le nommé Stein, cherchant à exciter des troubles en Allemagne, est déclaré ennemi de la France et de la confédération du Rhin.

« 2° Les biens que ledit Stein posséderait, soit en France, soit dans les pays de la confédération du Rhin, seront séquestrés. Ledit Stein sera saisi de sa personne partout où il pourra être atteint par nos troupes ou celles de nos alliés.

« En notre camp impérial de Madrid, le 16 décembre 1808.

« NAPOLEON. »

Ce décret était une sorte de consécration pour l’homme d’état déclin. Son nom, connu seulement jusque-là des politiques et de