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« J’ai l’honneur d’être véritablement, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

« Le duc de Chaulnes. »
« Ce mardi matin. »


Le second billet prouve, en même temps que la générosité peut-être un peu intéressée du duc, l’extrême complaisance de M. de Sartines, transformé en facteur de la poste à l’usage de Mlle Ménard.


« Vous avez bien voulu, monsieur, me rendre les services qui ont dépendu de vous ; oserais-je vous demander encore celui de faire passer cette lettre à Mme Ménard ? Celle du duc de Luxembourg avait pour objet d’assurer son sort, celle-ci a pour but de l’en instruire directement. L’inquiétude sur le sort d’une amie bien tendre est un trop grand malheur à ajouter à ceux qui m’accablent pour ne pas espérer que vous y aurez égard et que vous me donnerez cette marque d’amitié, qui serait faite pour accroître, s’il se pouvait, ma reconnaissance et le très parfait attachement avec lequel j’ai l’honneur d’être, monsieur, etc.,

« Le duc de Chaulnes. »
« Ce mercredi. »


Quelque lecteur curieux demandera peut-être ce qu’est devenue la belle dame qui causa cette grande querelle. J’avouerai humblement que je n’en sais rien. Mlle Ménard disparaît des papiers de Beaumarchais, qui avait bien autre chose à faire que de songer, pour employer les termes du duc de Chaulnes, à vivre avec elle. Quelques feuilles à la main d’une date postérieure de beaucoup à celle-ci et qui sont tombées sous mes yeux en parlent comme d’une femme qui aurait fini par mériter complètement la qualification un peu sévère que lui donne La Harpe sans la connaître ; mais, comme ces feuilles à la main ne sont point des articles de foi, nous laisserons Mlle Ménard dans la nuance moyenne entre l’honnête femme et la courtisane que lui assigne avec une précision mathématique cet excellent abbé Dugué.

Revenons à Beaumarchais, qui profite de sa demi-liberté pour aller, comme c’était d’usage alors, solliciter ses juges ; mais, avant de le montrer perdant son procès, qu’on me permette d’extraire encore de son dossier de prison un petit incident assez gracieux où il figure très agréablement. J’ai dit ailleurs qu’il était en rapports d’intimité avec M. Le Normand d’Étioles, le mari de Mme de Pompadour, qui, après la mort de sa première femme, s’était remarié et avait un enfant charmant de six ans et demi. Ce petit garçon, nommé Constant, aimait beaucoup Beaumarchais ; en apprenant que son ami était en prison, il lui écrit spontanément ce billet :


« Neuilly, 2 mars 1773.
« Monsieur,

« Je vous envoie ma bourse, parce que dans une prison on est toujours malheureux. Je suis bien fâché que vous êtes en prison. Tous les matins et