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dames une attestation de délicatesse et de probité ; la comtesse de Périgord lui avait répondu sur-le-champ par cette lettre :


« Versailles, le 12 février 1772.

« J’ai fait part, monsieur, de votre lettre à Madame Victoire, qui m’a assuré qu’elle n’avait jamais dit un mot à personne qui pût nuire à votre réputation, ne sachant rien de vous qui pût la mettre dans ce cas-là. Elle m’a autorisée à vous le mander. La princesse même a ajouté qu’elle savait bien que vous aviez un procès, mais que ses discours sur votre compte ne pourraient jamais vous faire aucun tort dans aucun cas, et particulièrement dans un procès, et que vous pouvez être tranquille à cet égard.

« Je suis charmée que cette occasion, etc.

« T., comtesse de Périgord. »


Au lieu de publier textuellement cette lettre, qui suffisait pour sauvegarder sa réputation, Beaumarchais, dans l’espoir d’en tirer le meilleur parti possible, eut l’imprudence de la fondre dans une note d’un mémoire contre le comte de La Blache, où il disait que, son adversaire cherchant à lui enlever l’honorable protection que Mesdames lui ont toujours accordée et soufflant à l’oreille de ses juges qu’il s’est rendu indigne de leurs bontés et qu’elles ne prennent plus à lui aucune espèce d’intérêt, il était autorisé par Madame Victoire à publier, etc. Ici Beaumarchais donnait bien le résumé exact et fidèle de la lettre de la comtesse de Périgord ; mais le commentaire qui précédait ce résumé était de sa part une inconvenance et une imprudence : il prêtait ainsi le flanc à son adversaire, car il semblait vouloir faire dire à Mesdames plus qu’elles n’avaient dit, et transformer un simple témoignage d’estime, une simple attestation de probité, en un certificat de protection et d’intérêt pour lui à l’occasion de son procès, ce qui devait nécessairement offenser des princesses ayant le sentiment de leurs devoirs. Il avait à peine commis cette maladresse, que le comte de La Blache court à Versailles, pénètre auprès de Mesdames, et se plaint à elles que Beaumarchais vient de faire contre un maréchal-de-camp un odieux abus de leur nom, et que, dans un mémoire imprimé, il a eu l’audace de publier que Mesdames prenaient le plus vif intérêt au gain de son procès. Beaumarchais n’avait pas dit cela ; mais on vient de voir qu’en parlant d’intérêt et de protection, il pouvait être accusé d’avoir cherché à le faire entendre. Les princesses s’irritent, et le comte de La Blache, profitant de leur colère, obtient d’elles le petit billet doux qui suit :


« Nous déclarons ne prendre aucun intérêt à M. Caron de Beaumarchais et à son affaire, et ne lui avons pas permis d’insérer dans un mémoire imprimé et public des assurances de notre protection.

« Marie-Adélaïde, Victoire-Louise, Sophie-Philippine,
Élisabeth-Justine. »
« Versailles, le 15 février 1772. »