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mal, qu’il fallait à la fois employer et tempérer. En se mêlant aux souverains, en devenant elle-même la première des souverainetés, elle employait le bras séculier pour avancer le bien moral des peuples; elle l’empêchait d’être mis au service de toutes les passions et de tous les vices. Aujourd’hui, que ferait-elle d’un pouvoir temporel affaibli, menacé, toujours éphémère, réduit à vivre d’expédiens et concentré dans le soin égoïste de sa propre défense? Le bras séculier valait la peine d’être invoqué au moyen-âge, quand il était fort : nous ne connaîtrions pas aujourd’hui de plus triste et de plus perfide appui. Si l’église était souveraine de nos jours, elle aurait le sort habituel que nous faisons à nos souverains : elle serait adulée quelques jours, outragée ensuite, et enfin détrônée. Ce qui est vraiment fort parmi nous (malgré des défaillances momentanées et qui ne viennent que de son excès même), c’est le principe de la liberté individuelle. C’est là aujourd’hui ce qui peut servir et ce qui a besoin d’être tempéré. C’est de la liberté que naît cette force autrefois inconnue, maintenant irrésistible, qui fait et défait tous les gouvernemens, et qu’on appelle l’opinion. Apprendre à cette force nouvelle à se gouverner, à se modérer, à se diriger vers le bien, c’est là le rôle politique actuel de l’église. Elle a appris autrefois aux rois à être justes, et ils en avaient grand besoin; elle doit enseigner aujourd’hui aux nations à être sages : elles en ont peut-être plus besoin encore. C’est donc avec la liberté et non avec le pouvoir qu’est l’alliance fructueuse et naturelle de l’église. Elle a été autrefois le plus éclairé des pouvoirs, elle doit être aujourd’hui la plus pure et la plus régulière des libertés. C’était l’attitude qu’elle avait prise dans ces dernières années : trouve-t-on qu’elle lui ait si mal réussi, et pourquoi la tant presser d’en prendre une autre?

Dirons-nous quelques mots enfin de l’influence littéraire qui semble de nos jours convenir à la religion catholique? Ce serait pour faire ressortir encore le même contraste du moyen-âge et du temps présent. C’est en littérature surtout qu’il éclate, s’il est vrai, comme le dit le bon sens du proverbe, que la littérature est l’image des mœurs. Entre une société ignorante et une société qui périt sous l’excès d’une science mal digérée, entre une société naïve et une société blasée, entre des esprits simples et des esprits raffinés, entre la fraîcheur des impressions et la satiété qui engendre le dégoût, quel rapport littéraire pourrait exister? Quand un écolâtre de Notre-Dame montait en chaire pour lire à des élevés venus de tous les bouts de la France à l’Université de Paris quelques fragmens de ces manuscrits précieux qu’on ne se procurait qu’à prix d’or et qui sortaient à peine de la poussière des couvens, chacune de ces gouttes de vérité distillée ainsi par cet étroit canal était reçue avec reconnaissance et respect par des intelligences altérées. L’église tenait toutes les sources de la science; elle les ouvrait, elle