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le prince de Metternich, avait rappelé à Vienne ce doyen de la diplomatie européenne, exilé depuis 1848. M. de Schwarzenberg s’était associé à cet acte de réparation ; il ne l’avait pas vu néanmoins sans quelque défiance. Il entrait dans le caractère entier de ce ministre de tenir avec ardeur à sa responsabilité, aussi bien qu’à l’indépendance même de ses résolutions. Il était impossible cependant que M. de Metternich fût rentré à Vienne sans y exercer une influence plus ou moins patente, sans être consulté plus ou moins ostensiblement par le souverain dans toutes les affaires difficiles. Aussi long-temps que vécut le prince Schwarzenberg, il fallut, à la vérité, ménager un amour-propre intraitable ; sous le ministère du comte Buol, qui ne possède ni la situation personnelle ni les attributions étendues dont jouissait son prédécesseur, l’action du prince de Metternich, en trouvant une plus libre carrière, est devenue aussi plus ostensible. On devine facilement aujourd’hui que les habiles manœuvres à l’aide desquelles l’Autriche vient de mettre le Zollverein prussien dans une situation si critique ont été dirigées par la main expérimentée de l’ancien chancelier de l’empire. Les amis du prince ne cachent plus l’espoir qu’ils ont de le voir un jour reprendre officiellement le pouvoir. Certes le retour du prince de Metternich à la tête du gouvernement autrichien ne s’accomplirait pas sans causer un certain émoi au sein de l’empire ; mais l’esprit d’opposition est en Autriche, comme ailleurs, assez fatigué pour que l’opinion ne soit pas fort à craindre dans une pareille éventualité. Le prince de Metternich pourrait reprendre aujourd’hui la direction des affaires sans qu’il en résultât aucun embarras sérieux.

Pendant que la diplomatie autrichienne, sous l’impulsion de M. de Metternich, livre à la Prusse de si rudes engagemens, le jeune empereur reprend la série de ses voyages. Dans les premiers jours d’octobre, il a visité la Croatie. Il s’est trouvé sur ce terrain au milieu de populations empressées. Les Croates ont chaleureusement accueilli leur souverain. Ils ont déployé toutes les ressources que leur offrait leur petite capitale. Le clergé a rivalisé de luxe avec la noblesse, les paysans avec la bourgeoisie, pour fêter dignement la venue de François-Joseph, et partout sur son passage, ils l’ont unanimement salué du cri national de zivio ! qui est le nec plus ultra de l’enthousiasme croate. D’Agram, l’empereur a fait une courte excursion en Vénétie, afin de passer une nouvelle revue militaire. Il a également promis de donner dans tout ce voyage une attention particulièrement bienveillante aux régimens colonisés de la frontière. On voit que l’intérêt de l’armée reste une des préoccupations constantes du gouvernement autrichien.

Le tsar vient, de son côté, d’entreprendre, au sein de son vaste empire, un voyage qui a pour objet spécial l’inspection de l’armée. Après les grandes revues en quelque sorte internationales qui ont eu lieu récemment en Autriche et en Prusse en présence du tsar, et qui se renouvelaient hier encore à Pesth devant le tsésarévitch, les souverains de l’Europe orientale veulent se rendre compte, par eux-mêmes et en détail, de leurs propres forces. Que ces démarches aient un sens politique et qu’elles soient calculées en vue de la situation européenne, cela se peut ; la diplomatie étrangère se plaît du moins à le laisser croire. Aujourd’hui cependant les fêtes militaires de la Russie et de l’Autriche nous frappent moins par ce côté que par le contraste de plus en plus sensible qu’elles forment avec la situation d’un empire voisin