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de la Belgique dans les récens démêlés commerciaux survenus entre les deux pays. Les pièces diverses de la négociation, les dépêches échangées, ont été publiées. On a pu lire la remarquable note de M. Drouyn de Lhuys et la réponse du plénipotentiaire belge, M. Firmin Rogier. De plus, le cabinet de Bruxelles a adressé un exposé de la question aux chambres avant leur prorogation. Que résulte-t-il de l’ensemble de ces documens ? À nos yeux, il n’en résulte rien autre chose en substance que ce que nous avons dit sur la nature des conventions du 22 août et sur leur rapport avec l’ensemble des relations commerciales des deux nations. Il est évident aujourd’hui que ces conventions avaient une portée précise, déterminée ; elles stipulaient sur un intérêt, — la garantie de la propriété littéraire en Belgique, — non à titre gratuit, mais moyennant compensation, laissant d’ailleurs intacte la question de savoir ce qu’il y aurait à faire pour régler les rapports généraux de commerce, en présence de l’expiration du traité de 1845. Il est évident encore que le ministre des affaires étrangères de France n’a nullement dissimulé la pensée de notre gouvernement sur la nature du régime qui convenait aux relations et aux intérêts internationaux. C’était le régime conventionnel qu’il préférait, qu’il jugeait le plus utile, et il s’est trouvé dans une telle situation qu’au moment où la France perdait le bénéfice de ce régime, la Belgique conservait pour un de ses produits les avantages que lui faisaient nos tarifs. De là la proposition de renouveler le traité de 1845, et, — sur le refus du gouvernement belge, — le décret du 14 septembre, qui élève le droit sur les houilles et les fontes. Est-ce la France qui souffre de cet état nouveau ? est-ce la Belgique ? C’est une situation, à notre avis, qui n’est profitable pour aucun des deux pays. L’un et l’autre en souffrent dans leurs intérêts de tout genre, et ils ne pourraient qu’en souffrir davantage encore par cette absence de sécurité qui présiderait à leurs rapports. Voilà pourquoi nous suivons avec un intérêt attentif les efforts qui se font aujourd’hui en Belgique pour recomposer un ministère entre les mains duquel des négociations nouvelles puissent arriver à une fin plus heureuse. On sait déjà comment l’ancien cabinet est tombé ; il a été tué sans phrases, par le premier vote de la chambre sur la nomination de son président. L’homme politique qui semblait désigné pour remplacer M. Rogier, c’était évidemment M. Delehaye, sur qui s’étaient portés les suffrages de la chambre ; mais le roi Léopold, assure-t-on, n’a point voulu se prêter à ce qu’il considérait comme une intrigue parlementaire. Aujourd’hui le ministère, dont la formation est donnée comme certaine, bien qu’elle ne soit pas officielle encore, est pris en dehors du parlement. Le membre le plus considérable de ce cabinet est M. Henri de Brouckère, ancien ministre plénipotentiaire à Rome. Au point de vue intérieur du mouvement des partis ou de l’importance des hommes, le nouveau ministère belge a-t-il de grandes chances de durée ? Là n’est point la question pour le moment. Sa force ne vient pas des hommes, elle vient de la situation. Il ne naît pas d’un mouvement intérieur des partis, mais d’une difficulté internationale. Sa mission et son but sont de faire disparaître cette difficulté, d’arriver à replacer les relations de la Belgique avec la France dans des conditions de bienveillance mutuelle et également favorables aux intérêts commerciaux des deux pays. Ce n’est point là pour le moment la moins utile et la moins sérieuse des missions.