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loi déterminant la création de paquebots transatlantiques. Par cette loi, le gouvernement était autorisé à concéder la ligne du Havre à New-York à une compagnie. Il était créé, au nom et au compte de l’état, deux lignes principales, l’une partant alternativement de Bordeaux et de Marseille et allant toucher à la Martinique, la Guadeloupe, Saint-Thomas, Porto-Rico, Haïti, Cuba ; l’autre de Saint-Nazaire à Rio-Janeiro. À ces lignes principales devaient venir s’adapter trois lignes secondaires, l’une sur le golfe du Mexique et la Nouvelle-Orléans, la seconde sur Chagres et la Côte-Ferme, la troisième sur Montevideo et Buenos-Ayres. Dix-huit paquebots à vapeur de forces diverses, et dont la construction était ordonnée, devaient suffire à ce service. C’était indubitablement une grande et utile pensée ; mais qu’est-il résulté de cette loi ? Nous ne voulons pas trop y revenir. En réalité, l’exécution n’a point suivi le projet. Les paquebots de construction nouvelle ont été affectés à la marine de l’état, et tous ne se sont même pas trouvés dans les plus excellentes conditions. Pendant ce temps, l’Angleterre, qui était déjà entrée dans cette voie, prenait de plus en plus, avec les États-Unis, possession de l’Océan ; elle desservait tous les rapports entre l’Europe et l’Amérique. Nous-mêmes, nous étions ses tributaires pour toutes nos relations avec le Nouveau-Monde. Nous n’avons pas même encore de communications directes et régulières avec nos colonies. C’est dans ces conditions que la question s’est réveillée récemment. Une compagnie considérable, formée, assure-t-on, à Bordeaux, demande au gouvernement, moyennant subvention, la concession d’une ligne de paquebots transatlantiques qui desserviraient nos colonies, le golfe du Mexique et le Brésil. Marseille et d’autres villes réclament à leur tour, comme cela est naturel, et font leurs propositions. Nous n’entrons pas, on le conçoit, dans le détail de ces propositions et de ces poursuites simultanées. L’essentiel est que ce conflit de prétentions et de rivalités entre ces villes diverses qui peuvent aspirer à être des têtes de ligne ne mette pas plus de retard dans l’établissement de communications directes et régulières entre nos ports de l’ouest et le continent américain, comme le dit le prince-président. Si la réalisation de cette pensée était jugée, dès 1840, indispensable à nos rapports avec le Nouveau-Monde, combien cela n’est-il pas plus vrai aujourd’hui ! Il suffit de jeter les yeux sur un état du commerce pour voir dans quelle proportion ces relations s’accroissent chaque jour. De 1846 à 1851, le chiffre de nos échanges avec l’Amérique du Sud s’est élevé de 93 millions à 171. Le Brésil seul est monté dans cette période de 47 à 73 millions ; il vient au neuvième rang dans nos exportations. Nous ne parlons pas de ce grand courant de relations intellectuelles qui existent entre la France et l’Amérique du Sud, et qu’il serait si utile d’entretenir et d’agrandir. Sans doute les conditions sont moins propices aujourd’hui ; notre pays a à lutter avec l’Angleterre, avec des entreprises puissantes, organisées et déjà maîtresses de ce grand mouvement, qui tend sans cesse à s’accroître entre les deux mondes ; mais, qu’on le remarque, par le rayonnement de nos voies de fer vers toutes nos frontières, l’un de nos ports peut devenir aujourd’hui un point de transit plus naturel et plus commode pour une partie de l’Europe, sans compter la France elle-même. Bordeaux peut entrer en lutte sans désavantage avec Southampton, surtout si des cahiers des charges faits avec