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que leur mauvaise conduite. Ils sont dehors, et la queue que je suis à écorcher maintenant est de faire accepter mes conditions particulières au ministre qui m’invite à entrer en danse, mais qui trouve les violons un peu chers. Je ne puis rien changer à mes justes prétentions. L’affaire était à 14 maravédis la ration de pain et 14 réaux la fanègue d’orge, et il restait trois ans à courir pour que le bail finît. Moi, j’entre au milieu d’un marché que je fais rompre du consentement de tous les intéressés. Je demande 16 maravédis et 16 réaux pour le temps de dix ans, à commencer du 1er septembre prochain. Je demande l’extraction franche de 2 millions de piastres fortes par chaque an pour faciliter mon commerce avec l’étranger, et comme je prends le service au 1er mars, avant la récolte, je demande 18 maravédis et 18 réaux jusqu’au 1er septembre, ce qui fait 2 maravédis et 2 réaux d’augmentation sur le prix fondé de 16 et 16 pour m’indemniser des premiers frais. À ces conditions, je me charge de rembourser au roi environ 4 millions de réaux qu’il a avancés à l’affaire avant cette année, pourvu toutefois que sa majesté consente à rejeter ce remboursement sur les dernières années de mon bail. Un des articles les plus certains de mon marché est le paiement assuré, tous les 30 du mois, de 1,800,000 réaux, que je recevrai à la trésorerie royale. Les deux associés qui me cèdent leur affaire doivent 5 millions de réaux à différens particuliers ; les billets sont échus ; ils ne peuvent payer. J’ai tout arrangé de manière que, le jour de la signature du traité, je leur remettrai les 5 millions en leurs propres effets, et celui qui en est le porteur a pris de tels tempéramens avec moi en particulier, que ces 5 millions ne me seront imputés qu’à la fin de mon bail, et que, le jour de la signature du contrat, il doit envoyer à ma caisse 3 millions pour commencer à travailler. Pour cela, je lui donne un tiers dans les bénéfices........... On a idée de joindre à cela la fourniture de pain blanc de toutes les villes d’Espagne, ce qui double l’étendue de mon entreprise ; mais je veux commencer à donner une grande opinion de ma façon de travailler, afin que la confiance amène les avantages très difficiles à obtenir en commençant. Je prévois qu’il y a des parties à joindre à celles-ci qui rendront l’affaire sans bornes ; mais je dirai, comme les honnêtes Espagnols, poco à poco, mettons-nous en selle avant de galoper et surtout affermissons-nous bien sur les étriers. Il est neuf heures du soir, je sors pour aller jaser affaires ; si je rentre avant onze heures, je vous dirai encore un mot.

« Je rentre, rien n’est changé. Je viens de signer ce fameux compromis qui fait mon titre pour traiter en nom propre avec M. le marquis d’Esquilace, ministre de la guerre et des finances. Tout le monde à Madrid parle de mon affaire, on m’en fait compliment comme d’une chose faite ; moi, qui sais bien qu’elle n’est pas finie, je me tais jusqu’à nouvel ordre.

« Bonsoir, mon cher père ; croyez-moi, ne soyez étonné de rien, ni de ma réussite, ni du contraire, s’il arrive. Il y a en tout dix raisons pour le bien et cent pour le mal ; à l’égard de mon âge, il est celui où la vigueur du corps et celle de l’esprit mettent l’homme à sa plus haute portée. J’ai bientôt trente-trois ans. J’étais entre quatre vitrages à vingt-quatre. Je veux absolument que les vingt années qui s’écoulent jusqu’à l’âge de quarante-cinq ans me ramènent, après de longs travaux, à la douce tranquillité que je ne crois