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du conseil des ministres s’est renouvelé, du moins partiellement. C’est une des conséquences de la monarchie illimitée, que les chefs des départemens ministériels ne soient point responsables des actes du cabinet tout entier ; ils ne connaissent point ce lien de solidarité qui, sous le régime constitutionnel, entraîne souvent la chute de tous par suite de la retraite d’un seul. Dans les pays ainsi constitués, c’est à peine si un changement de règne détermine un changement de ministère, et plus rarement encore voit-on le souverain se séparer de tous ses ministres à la fois. Les modifications qui viennent de se produire dans le cabinet russe ne sont nullement le résultat de quelque difficulté politique. En même temps que le prince Volkonski, ministre de la maison de l’empereur, terminait une carrière qui comptait près de cinquante-deux ans de services, le prince Tchernichef, ministre de la guerre, était forcé, par son grand âge, de se démettre des laborieuses fonctions de ministre de la guerre, qu’il cumulait avec la double présidence du conseil des ministres et du conseil de l’empire. Le prince Tchernichef s’est déchargé de ce fardeau après avoir lui-même accompli cinquante ans de services. Les preuves de bienveillance que l’empereur lui a données à cette occasion prouveraient suffisamment que sa situation nouvelle n’est point une disgrâce, lors mêin qu’il ne conserverait point la présidence du conseil de l’empire. Le prince Tchernichef a pour successeur au ministère de la guerre le prince Dolgorouki I, qui administrait ce département en qualité d’adjoint. Le prince Volkonski est remplacé par le général d’Adlerberg, précédemment chef du département des postes. Pour remplir avec succès les hautes fonctions dont il est chargé, le nouveau ministre de la maison impériale n’a qu’à marcher sur les traces de son prédécesseur. Le maréchal Volkonski était en Russie le type même du dévouement politique, et il portait dans ce rôle une probité et une gravité qui en rehaussaient encore l’éclat. C’est ainsi qu’il a pu être honoré successivement de la faveur et des confidences d’Alexandre et de Nicolas, dans la carrière des armes comme dans les dignités de la cour. Les regrets que laisse le maréchal Volkonski sont la seule émotion publique qui ait accompagné les récentes modifications ministérielles.

Le calme dont la Russie a joui au milieu des plus grandes agitations de l’Europe ne peut que se consolider sous l’empire de la situation nouvelle. Rarement l’opinion sort de ce calme dont rien ne la distrait. Une question intéressante occupe toutefois en ce moment les principaux membres du clergé russe. Un incident théologique a suscité dans l’église grecque de Turquie une controverse qui a ému le métropolitain de Moscou, et à laquelle il a voulu prendre part. Il ne s’agit de rien moins que de déterminer sous quelle forme le baptême doit être administré, problème obscur, et qui a reçu en Russie même, à différentes époques, des solutions diverses. Le patriarche de Constantinople et celui de Jérusalem affirment sans hésiter qu’ils ne reconnaissent point d’autre baptême que celui qui est donné par immersion. Le catéchisme officiel de l’église d’Orient, publié avec l’approbation du saintsynode de Russie, déclare de son côté que « la triple immersion dans l’eau baptismale au nom des trois personnes de la Trinité est l’acte le plus important de la cérémonie du baptême. » Néanmoins l’église russe est très loin de porter dans cette doctrine des sentimens aussi arrêtés que paraissent l’être