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n’ont point d’autre but ; la question est de savoir si elles l’atteignent toujours, M. le ministre de l’instruction publique multiplie les actes depuis quelque temps dans ce domaine intellectuel et moral ; il s’emploie avec zèle à l’administration de ces grands intérêts. Avant ce qui touche à l’enseignement même dans l’ensemble de ces mesures, qu’on nous permette de placer l’heureuse et louable pensée d’un décret en vertu duquel doit être publié un recueil général des poésies populaires de la France. Il sied en effet à un pays de recueillir et d’honorer ses traditions, de rassembler tous ces fragmens épars du génie populaire, où revit le sentiment religieux, moral ou patriotique du passé. Mais ne voilà-t-il pas qu’il a pu entrer dans l’esprit de quelques personnes d’étendre la pensée du décret du gouvernement au point de comprendre dans ce recueil le Dieu des bonnes gens, — sans doute comme le credo de notre temps ! L’idée est bizarre à coup sûr, et, en entrant dans cette voie, le choix des poésies populaires pourrait devenir volumineux. Ce doute même qui s’est élevé prouve avec quel soin et quelle réserve doit être faite une collection de ce genre, où il y a toujours quelque chose de plus qu’un intérêt littéraire.

Dans l’ensemble des mesures récentes prises par M. le ministre de l’instruction publique, concernant l’enseignement proprement dit, la plus importante, la plus sérieuse certainement est l’arrêté qui règle l’enseignement religieux dans les lycées. Oui, il faut bien l’avouer aujourd’hui, après tant d’efforts inutiles et de déceptions, le sentiment religieux est la première base de toute éducation saine et forte. Le mot de Bacon garde toujours sa vérité : « La religion est un arôme qui empêche la science de se corrompre. » Qu’estce donc lorsqu’il s’agit de graver dans de jeunes esprits les immortelles notions du bien et du vrai, et de les armer contre toutes les séductions qui les environnent ? Les révolutions ont du moins ce merveilleux effet de raviver le sentiment de ces nécessités religieuses et morales, et le règlement récent est encore un heureux fruit de la réaction contemporaine. Quant aux divers programmes d’études qui viennent d’être promulgués, ils sont le résultat des délibérations du conseil supérieur de l’instruction publique et l’application du décret du 10 avril, qui a modifié, comme on sait, l’ordre de l’enseignement, en créant deux divisions distinctes, l’une pour les sciences, l’autre pour les lettres. Nous touchons maintenant au moment où le système nouveau va trouver dans tous les lycées de la France sa complète réalisation. C’est l’expérience seule qui peut en démontrer l’efficacité ou les vices, désarmer les défiances ou confirmer les craintes. Nous n’avons point de peine à reconnaître d’ailleurs que M. le ministre de l’instruction publique a fait une large place dans ces programmes aux études classiques.

Une question qui ne manquerait point de quelque intérêt serait de se demander si ces études ont gagné ou perdu dans les discussions et les polémiques dont elles ont été l’objet depuis quelque temps. À notre avis, leur utilité est sortie intacte et plus évidente de cette tempête passagère. Elles viennent de trouver un nouveau défenseur dans un membre éclairé de la compagnie de Jésus, le père Cahour, auteur d’un livre substantiel et instructif sur les Études classiques et les Études professionnelles. Par où l’enseignement classique s’est-il vu menacé ? Il a eu à lutter contre l’envahissement des études spéciales, scientifiques, professionnelles d’un côté, et de l’autre, il a eu à se défendre contre