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L’ANTIQUITÉ ET LES PÈRES DE L’ÉGLISE.

et poussière : Consul tertium ou Consul tertio ; cependant il hésitait entre tertium et tertio ; tantôt son œil était blessé, tantôt son oreille était mécontente. Cependant la ville entière s’occupait du tertium et du tertio, lorsque Cicéron, le maître absolu des élégances du beau langage, proposa d’inscrire sur le marbre en litige : Consul tert, et l’inscription fut ainsi faite. Ils sont nos maîtres, ces Romains, en toutes choses. En voilà qui, sur le penchant des plus grands abîmes, s’occupent de la façon d’une inscription passagère ! Ils disaient avec leur maître : Aliud grammatice, aliud latine loqui ; ils avaient poussé à cet excès de gloire et de précaution le respect de la langue paternelle ; ils la voulaient grande et régulière, avec quelque chose de net et d’auguste, l’exactitude mêlée au génie. Et c’est pourquoi celui-là commettrait un crime énorme qui nous priverait du vrai langage latin.

Il venait aussi des écoles d’Athènes ce saint Grégoire de Nazianze, archevêque de Constantinople, où l’éloquence attirait en foule les païens et les hérétiques, et c’est aussi aux écoles d’Athènes qu’il avait appris l’éloquence. « Quand il fallut quitter cette institutrice de ma première jeunesse, ah ! que d’hésitations, que de larmes, que de regrets ! C’était autour de moi un concours immense d’Athéniens, de Romains, mes amis, mes camarades, mes maîtres. — Reste avec nous, me disaient-ils, enfant du Lycée et du portique ! Et je restais… Mais le regret de la patrie absente, la piété filiale et la soif de l’Évangile me commandaient de partir ; je partis la nuit. Je te dis adieu, Athènes, et, de retour à Rome, mon premier soin fut de faire au Christ, notre sauveur, le sacrifice de ma passion pour l’étude et de mon amour pour les poètes antiques. »

Hélas ! ô vanité de la volonté humaine ! il s’imaginait qu’il avait renoncé pour toujours à la poésie païenne, et il y revenait sans cesse. Dans ses vers modulés sur la lyre même d’Horace et de Pindare, il pleurait tous ces trésors qu’il avait jetés, disait-il, à l’océan. « Que n’ai-je les ailes de la colombe ou de l’hirondelle ! J’irais au désert, parmi les bêtes sauvages, plus fidèles que les hommes, et là j’invoquerais la muse que j’ai quittée, et elle obéirait encore à ma voix, car je n’ai jamais été sensible qu’à la gloire des lettres ; je la cherchais partout où elle brillait, cette étoile divine, et je fus la chercher au milieu d’Athènes, l’ornement de la Grèce. Ah ! que de longues et patientes études à la poursuite des muses ! » Plus loin, il parle de son père : « Mon père avait servi les idoles, nous dit-il ; mais cet olivier sauvage, enté sur l’olivier franc, tira tant de sucs généreux de cette racine féconde, qu’il couvrit les autres arbres et rassasia une infinité de personnes par la douceur de ses fruits. » Enter l’olivier franc sur l’olivier sauvage, voilà, ce me semble, toute la question des pères de l’église et de l’antiquité classique. Et que de fruits en effet, que de