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continuelles, où la guerre étrangère se compliquait toujours d’une guerre civile, et souvent aussi d’une révolte des Romains contre le saint-siège.

Des faits curieux et peu connus sont réunis en grand nombre dans l’Histoire de la lutte des Papes. L’auteur a généralement recouru aux documens contemporains ; il a exploré en Allemagne et en Italie divers dépôts scientifiques et administratifs, et il a su toujours, entre les guelfes et les gibelins, garder une complète indépendance. Nous avons comparé le livre de M. de Cherrier avec plusieurs ouvrages allemands dans lesquels est également traité ce grand épisode de l’histoire du moyen-âge, et dans ces ouvrages nous n’avons trouvé ni la même clarté, ni la même abondance de renseignemens, ni la même impartialité. On sent toujours dans les écrivains allemands qu’ils sont les sujets du saint-empire romain, lequel, suivant Voltaire, n’était ni saint, ni empire, ni romain. Nous avons également comparé avec l’ouvrage de M. de Cherrier l’Essai historique sur la puissance temporelle des Papes, de M. Daunou, et le livre du Pape, de M. de Maistre ; il nous semble qu’entre ces deux ouvrages également absolus, chacun dans une affirmation tout-à fait opposée, M. de Cherrier a gardé ce juste équilibre qui se maintient rigoureusement dans la voie de la vérité. Quand M. Daunou et les historiens de l’école philosophique demandent de quel droit les papes excommuniaient les empereurs, M. de Maistre, pour toute réponse, leur demande à son tour de quel droit les empereurs déposaient les papes. Pour M. de Cherrier. il donne tort au pape ou à l’empereur, suivant que l’un ou l’autre lui paraît mériter le blâme ou l’éloge ; il reconnaît que, si l’excommunication a été une arme utile sous le rapport moral et même sous le rapport politique, cette arme a fini cependant par s’émousser par suite de l’abus qui en a été fait et des coups qu’elle a portés à faux. C’est là, dira-t-on peut-être, une vérité tellement évidente, qu’elle n’a pas besoin d’être démontrée ; mais en histoire ce qu’il y a de plus rare, ce sont les vérités les plus simples, et, qu’on nous passe le mot, les plus vraies. Il suffit de lire quelques lignes de De Maistre et de Daunou pour voir combien, avec une immense érudition et un système arrêté d’avance, il est difficile de ne point tomber dans l’exagération et de ne pas plier l’histoire au gré des opinions personnelles. En nos jours de querelles et d’agitations politiques, l’érudition a été trop souvent une arme aux mains des partis, et la gravité calme du livre de M. de Cherrier est une qualité de plus dans cet ouvrage important, qui se distingue par l’étendue des recherches, un style un peu froid peut-être, mais toujours sévère, et une grande justesse dans les appréciations politiques.

Le mouvement de recherches dont nous venons de signaler quelques-uns des résultats les plus intéressans ne s’est point arrêta, en ce qui touche la France, aux limites de nos frontières ; des documens importans, des volumes magnifiques ont été édités dans notre langue, tantôt à Paris par des Français pour le compte de sociétés étrangères, tantôt hors de France par des savans anglais, allemands ou italiens. Le Barnatyne Club d’Edimbourg, entre autres, a confié à M. Teulet, membre de la Société des antiquaires, la publication de pièces et documens inédits relatifs à l’histoire du XVIe siècle qui pouvaient se rencontrer dans nos archives et nos bibliothèques. La moisson de M. Teulet a été des plus abondantes ; mais, par malheur, le Barnatyne Club, tout en