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dérouler, l’Europe à parcourir, le drame de l’humanité à mettre en scène. » Au fond, n’est-ce pas toujours la même chose ? C’est de Belgique que M. Alex. Dumas, à ce qu’il semble, nous envoie son roman. Nous craignons seulement que, quand la contrefaçon va être abolie, l’auteur ne dote la Belgique d’un nombre de volumes égal à celui qu’il a déjà composé, ce qui ferait quatorze cents volumes et pourrait bien, en fin de compte, ne constituer pour nos voisins un bénéfice à aucun point de vue.

La Belgique a eu du reste à s’occuper, depuis quelques jours, de choses plus sérieuses. Elle a eu à s’occuper de ses propres affaires, des conditions les plus efficaces pour rétablir et garantir la sécurité de ses intérêts, qui étaient encore sous le poids des récens différends avec la France. Deux faits, à ce point de vue, se sont produits en quelques jours en Belgique, et viennent concourir au même résultat, qui est le rétablissement de relations plus amicales entre les deux pays. Le premier de ces faits est le vote de la loi sur la presse. On ne l’a pas oublié, un des premiers actes du nouveau cabinet belge avait été la présentation aux chambres d’un projet tendant à réprimer les délits d’attaque et d’injure contre les chefs des gouvernemens étrangers. C’est ce projet qui vient d’être voté après une discussion à laquelle ont pris part les principaux orateurs du parlement belge, M. le comte de Theux, M. Dedecker, M. Orts et les divers ministres. Au fond, il n’y avait point de doute sur le principe même de cette loi. Aussi n’y a-t-il eu de véritables débats que sur des questions secondaires. Quelle serait l’échelle de la pénalité ? L’interdiction des droits civils serait-elle appliquée ? le gouvernement serait-il dans l’obligation de poursuivre sur la plainte d’un cabinet étranger, ou se ferait-il juge des réclamations qui lui seraient adressées ? Sur ce dernier point, M. de Theux a supérieurement démontré que, si le gouvernement belge se faisait l’arbitre des plaintes dont il serait saisi, dans le cas où il poursuivrait, il serait taxé de faiblesse, et, dans le cas où il repousserait la demande de poursuites, il s’élèverait immédiatement une question internationale, tandis que. dans le système proposé, tout est remis aux décisions de la justice nationale. Le gouvernement belge reste l’intermédiaire naturel entre les gouvernemens étrangers et ses tribunaux. Au reste, cette loi est assurément la plus douce et la plus inoffensive de toutes les lois faites en pareille matière. Non-seulement ce n’est pas une loi contre la presse, ainsi qu’a pu le dire M. Henri de Brouckère, mais ce n’est pas même une loi sur la presse, puisqu’elle se borne à prévoir un cas, le cas d’injure et de calomnie contre les chefs des nations étrangères. Et, dans ces termes, la situation même de la Belgique ne lui faisait-elle pas un devoir d’empêcher toute attaque contre les souverains des autres pays ?

La Belgique jouit des bénéfices de la neutralité ; cette situation a ses avantages, et elle a aussi ses charges, au nombre desquelles est au premier rang celle de faire respecter les puissances étrangères dans leurs chefs. Ainsi donc la loi qui vient d’être votée n’a rien qui ne soit d’accord avec les conditions particulières où se trouve placée la Belgique. Mais elle avait évidemment en outre une valeur de circonstance ; il n’est point douteux qu’elle ne fût faite pour offrir au gouvernement français une garantie contre les attaques violentes dont il était journellement l’objet dans la presse belge. C’était un