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l’année 1709 fut inaugurée par la création du Daily Courant (Courrier Quotidien), la première feuille quotidienne publiée en Europe.

On ne saurait passer sous silence un trait caractéristique de l’époque, et qui prouve mieux que tout le reste l’importance que les journaux avaient acquise : c’est l’intervention de grands personnages dans les luttes de la presse et le nombre d’écrivains éminens qui firent de la rédaction des journaux leur occupation habituelle. On vit un lord, un chef de parti qui devait être premier ministre, Bolingbroke, attaquer le gouvernement par une lettre signée dans l’Examiner, et être réfuté dans le Tatler par le lord-chancelier lui-même, lord Cowper. Ce même Bolingbroke, tombé du ministère, reprit la plume, fit dans le Craftsman des articles de polémique qu’il signait « un écrivain de circonstance » (an occasional writer), et publia dans le uiôme journal, sous le titre de Lettres sur l’Histoire d’Angleterre, par Humphrey Oldcastle, une série d’articles qui furent fort remarqués et qui furent plus tard réunis en volumes. A côté de Bolingbroke ou contre lui écrivirent Swift, Steele, Addison. Ces noms rappellent un genre de journaux qui n’a eu qu’une existence momentanée, mais qui est resté célèbre, les journaux plus littéraires encore que politiques, où la morale, la philosophie, la peinture de la société, tenaient autant et plus de place que la polémique, et dont le Spectateur est demeuré le modèle. Ce fut la bonne fortune de cette époque de produire des journaux qui ont mérité de passer à la postérité, et qui sont lus encore comme des livres.

Le premier en date de ces journaux, et l’un de ceux qui sont le plus souvent cités, est le Tatler (le Babillard), fondé en 1709 et qui eut à la fois pour rédacteurs Swift, Addison et Steele; mais Swift le quitta bientôt pour passer à l’Examiner, qu’il rédigea de moitié avec Bolingbroke et dont il fit une feuille essentiellement politique. Il en céda plus tard la direction à Oldisworth, et ne rentra dans le journalisme qu’après un assez long intervalle, en collaborant en 1728 à l’Intelligencer et en y publiant les Lettres de Drapier, qui jouirent d’une grande réputation jusqu’au moment où les Lettres de Junius vinrent les détrôner et les faire oublier. Addison, de concert avec Steele, publia le Tatler, le Spectator et le Guardian. Il rédigea seul le Freeholder, et un peu plus tard le Vieux Whig (the Old Whig), feuilles toutes politiques qui avaient pour objet unique la défense du parti whig, dont les chefs étaient les amis personnels d’Addison. Steele, dont la plume était infatigable, collabora successivement au Tatler, au Spectator et au Guardian, et, tout en écrivant dans ce dernier recueil, il trouvait encore le temps de rédiger seul ou presque seul l’Englishman, qu’il fonda en 1713, et qu’il remplaça plus tard par le Plebeian, le dernier journal dans lequel il ait écrit. Deux écrivains, bien inférieurs aux précédens, mais de quelque