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politiques n’avaient pas d’autre moyen d’information régulière que les nouvelles à la main. »


Il y a quelque exagération dans ce tableau de l’éloquent historien : à le prendre à la lettre, il semblerait qu’à partir des dernières années de Charles II il n’y ait plus eu en Angleterre d’autre journal que la Gazette de Londres. Or, l’Observateur, fondé par Lestrange en 1679, continua d’exister jusqu’en 1687, et en 1682 le Loyal protestant Intelligencer se publiait encore. Il n’en est pas moins vrai que si Jacques à avait triomphé, toute liberté de la presse, par conséquent tout journalisme eût cessé d’exister en Angleterre. La révolution de 1688 vint, suivant l’expression de M. Macaulay, mettre le gouvernement sous le contrôle de la presse. Non-seulement les journaux se multiplièrent, mais leur rôle s’agrandit tout à coup par suite de la liberté qu’un gouvernement faible fut obligé de leur laisser, et par suite de la rivalité de deux grands partis, qui, ne pouvant combattre toujours à main armée, luttèrent par la publicité. Jacques Il avait à peine mis le pied sur la terre de France, que tous les partis fondaient à l’envi des journaux. Le nouveau gouvernement ne fut pas le dernier à recourir à ce moyen de défense, ainsi que le prouve la publication immédiate de l’Orange Intelligencer, dont le nom n’a pas besoin de commentaire. De 1688 à 1692, en quatre ans, on vit paraître vingt-six feuilles nouvelles, tandis que les vingt-six années de la restauration, de 1661 à 1688, n’en avaient vu naître que soixante-dix, qui presque toutes étaient mortes au bout de peu de temps. La loi qui soumettait les journaux à l’autorisation préalable existait encore, sans que Guillaume III eût osé faire usage du pouvoir qu’elle lui attribuait. Cette loi expirait en 1692 : elle fut prolongée pour un an; mais l’année suivante les tories, les jacobites et même les mécontens du parti ministériel se coalisèrent contre elle, et empêchèrent qu’elle ne fût renouvelée. Tous les journaux fondés depuis la révolution eurent alors une existence légale; toutefois la liberté extrême dont ils jouissaient était une tolérance plutôt qu’un droit. Le parlement s’arrogea même sur eux le droit de censure qu’avait perdu la royauté; il leur interdit de publier les débats des deux chambres, et il étendit en termes exprès cette interdiction aux auteurs de correspondances politiques. Un écrivain jacobite, du nom de Dyer, fut mandé à la barre des communes et réprimandé pour avoir, dans une de ses lettres, rendu compte d’une séance et nommé les orateurs qui avaient parlé. Ce fait prouve les prétentions du parlement et aussi la persistance des correspondances politiques soixante-quinze ans après l’apparition du premier journal. Cette industrie existait encore sous le règne suivant, car une feuille du temps, l’Evening post, s’étonne que