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voulut restreindre aux imprimeurs de son choix la permission de publier ses débats, il voulut assujettir les éditeurs à des formalités d’enregistrement et à une censure préventive; en 1647, sur la demande de Fairfax, qui voulait qu’on limitât à deux ou trois le nombre des journaux autorisés à paraître, on vit encore le parlement augmenter les attributions de la censure et multiplier les pénalités. Ce sont ces efforts du parlement pour exercer en son nom et à son profit l’autorité dont il avait dépouillé la chambre étoilée, qui donnèrent lieu aux célèbres pamphlets de Milton en faveur de la liberté de la presse; mais les journaux avaient dans les nécessités du temps un meilleur avocat que Milton. Le parlement et la royauté étaient en lutte ouverte, et des deux côtés on cherchait un appui dans l’opinion publique. On s’aperçut bientôt que les journaux étaient un instrument fort supérieur au pamphlet; chaque parti voulut avoir son organe, et on se fit la guerre à coups de plume autant qu’à coups de fusil. Les dix-neuf années qui s’écoulèrent de 1641 à la restauration des Stuarts virent naître et mourir près de deux cents journaux; sur ce nombre, une vingtaine ont porté le titre de Mercure, qui semble avoir été aussi populaire en Angleterre que celui de Gazette en France et celui de Courrier en Hollande. Toutes ces feuilles étaient in-quarto, et ne paraissaient qu’une fois par semaine, la plupart le mercredi, quelques-unes le samedi : c’étaient, à vrai dire, des diatribes hebdomadaires, des pamphlets en raccourci plutôt que des journaux.

Quelques écrivains cependant arrivèrent par cette voie à la célébrité et même à la fortune. Du côté du parlement, le journaliste le plus fameux fut sans contredit Marchamont Nedham, dont l’histoire mérite d’être contée. Nedham n’était pas, comme le pauvre Nathaniel Butter, un malheureux nouvelliste vivant au jour le jour : c’était un véritable gentleman, qui avait fait ses études à Oxford et y avait pris ses degrés; il possédait à fond ses humanités et avait appris la physique et la médecine; il était curieux des choses de science, tournait fort agréablement les vers, et avait un esprit vif et caustique. Au sortir d’Oxford, il vint à Londres, et à l’âge de vingt-trois ans il occupait une place assez lucrative, à laquelle il devait joindre bientôt les produits de sa clientelle médicale, lorsqu’il fonda, en 1643, le Mercure britannique, qui fut l’adversaire le plus acharné de la cour et l’oracle du parti parlementaire. « Tout ce que Nedham disait ou écrivait, dit un de ses ennemis politiques, était regardé comme parole d’Évangile. » En 4647, ce même Nedham tomba au pouvoir des royalistes, et fut amené à Hamptoncourt en présence de Charles Ier, qui lui fit grâce. Nedham créa alors et rédigea pendant dix-huit mois le Mercure pragmatique, dans lequel il fit la guerre aux presbytériens, et défendit avec verve et habileté la cause royaliste. Arrêté par les têtes-rondes et emprisonné à