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généraux, les forces de l’ennemi; ils vous diront ses alliés, ses mouvemens de chaque jour. Un soldat ne peut pas perdre un cheveu de sa tète, ne peut pas recevoir une pauvre balle, sans avoir quelque page à ses trousses, format in-quarto. Rien n’arrête ces gens-là que le défaut de mémoire, et, s’ils n’ont point de contradicteur, ils ne tarissent pas. » Nous pourrions pousser la citation plus loin, car cette scène de Shirley est une première édition très complète de toutes les satires qu’on a pu faire du journalisme, et, à ne regarder que le fond des choses, certaines déclamations contemporaines n’ont pas moins de deux cent vingt-cinq ans de date.

Il paraît que les Weekly News, la première vogue passée, n’eurent qu’un succès médiocre. Des correspondances de France, d’Allemagne et d’Italie, quelques mots sur les affaires religieuses du dehors, n’excitaient pas suffisamment la curiosité du public. Butter se plaint d’ailleurs d’être gêné par la censure, qui taille à tort et à travers dans ses nouvelles étrangères, et leur ôte tout intérêt. Le recueil éprouva de temps à autre des interruptions; il prit quelquefois en sous-titre le nom de Mercurius Britannicus, pour recueillir un peu de la popularité des Mercures du continent, mais le public demeura toujours assez froid pour lui. On en perd toute trace après le mois de janvier 1640 ; il semble donc que Butter ou soit mort, ou ait abandonné la partie au moment où les événemens politiques allaient ouvrir une vaste carrière au journalisme.

C’est à cette époque, en effet, que la chambre étoilée succomba dans la lutte qu’elle soutenait depuis si long-temps contre les pamphlétaires. Le fanatisme religieux et politique des puritains triomphait des rigueurs de ce tribunal exceptionnel, qui avait inutilement employé contre les écrivains les supplices les plus cruels, les mutilations les plus barbares, la prison, l’exil et les confiscations. Les procès mémorables de Prynn, de Wharton, de Lilburn, venaient de mettre le comble à l’irritation populaire : Charles Ier, au commencement de 1641, abolit la chambre étoilée. Dès le 3 novembre de la même année, le parlement laissa publier régulièrement le compte rendu de ses séances sous ce titre : Diurnal Occurrences in Parliament. Cette publication se continua sans interruption jusqu’à la restauration des Stuarts, L’abolition de la chambre étoilée équivalait à la proclamation de la liberté de la presse, et on vit éclore aussitôt des milliers de pamphlets pour ou contre la royauté, pour ou contre l’église anglicane. Quelques journaux naquirent aussi, et firent un premier pas dans le domaine de la politique, en reproduisant les débats parlementaires; puis ils s’enhardirent à publier des nouvelles de l’intérieur et à discuter les affaires du pays. Ce n’est pas que ce droit leur fût reconnu, le parlement ne se montra pas plus tolérant que n’avait été la cour : il