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une composition ; tous, avec un talent qui sait réaliser leurs vouloirs, se préoccupent surtout de bien raconter leur histoire, sacrifiant volontiers ce qui aurait une valeur comme mouvement et comme couleur à ce qui promet de développer plus expressivement leur drame. Ils entendent à fond les services utiles que peut rendre la peinture, mais ils n’admettent pas ses inspirations et ses caprices. Ils ont rogné les ailes de Pégase, ils en ont fait un bon cheval de trait.

Peut-être n’est-il aucun point par où les modernes diffèrent autant des anciennes écoles que par ce que je nommerai leur talent mimique. Rien que la partie de l’art qui parle à l’esprit eût été cultivée jusqu’à un certain point par plusieurs des maîtres italiens, elle a pris de nos jours une telle extension, qu’elle est devenue pour ainsi dire un trait entièrement neuf. La remarque vous est comme imposée à l’exposition de Londres par le nombre des tableaux où prédomine ce genre de qualités. Quelques-uns surtout : Pope et lady Montagu, de M. Frith, et l’Episode des mémoires de Pepys, par M. Elmore, nous ont frappé dans ce sens. La réalité vivante des physionomies et le jeu dramatique des acteurs sont admirables dans ces peintures. Rien que pour inventer de pareils sujets, il faut déjà être un observateur pénétrant et exercé. Ce qu’il faut ensuite de jugement pour saisir, au milieu des contorsions et des grimaces d’un modèle, l’attitude convenable et la juste expression, fait de l’œuvre bien réussie un tour de force d’anatomie psychologique, quelque chose qui atteste nombre d’études approfondies, et qui est tout-à-fait en dehors des capacités plastiques. Les figures cependant sont parlantes des pieds à la tête, et le tout est revêtu d’un coloris vif et naturel appliqué d’un pinceau ferme et savant.

À ce trait tout moderne de la peinture nous en ajouterons un autre : l’amour de la couleur locale, le goût des costumes anciens, et par suite l’introduction de toute une classe de sujets appropriés à ces buts nouveaux. Ces tendances sont si générales en ce moment, que les œuvres modernes des différentes nations se confondent souvent dans un même air de famille. Une Française habillée en Clarisse Harlowe, ou une Anglaise sous le costume de Mme de Sévigné, perdraient beaucoup de leur physionomie nationale, et ce qu’elles en garderaient dans la réalité pour un œil exercé s’effacerait encore en peinture. Reconnaître des signes distinctifs et des provenances différentes dans des tableaux à costume, c’est chose qui demande non-seulement qu’on soit un connaisseur instruit en fait d’art, mais qu’on ait mis la main à la brosse. Rendre compte des différences qu’on peut apercevoir, les dire avec des mots, c’est chose impossible, et il faut se contenter d’indiquer simplement le fait.

De cet art tout intellectuel, si nous passons à la peinture d’imagination, nous ne rencontrons guère que deux compositions de M. J. Martin, le peintre grandiose du Festin de Balthazar et du Déluge. Les trois ou