Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/973

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Westminster, où les divers styles qui se sont succédé jusqu’au XVIe siècle ont laissé côte à côte leurs empreintes. Parmi les cathédrales, nous nommerons celle de Wells, dont la façade occidentale fut terminée en 1242, deux ans seulement après la naissance de Cimabuë, et trente-six ans avant que la cathédrale d’Orviéto commençât à sortir de terre. Une série de sujets empruntés à l’histoire sainte y sont sculptés avec une richesse et une variété de travail qui étonnent encore plus quand on songe que ces morceaux furent exécutés bien antérieurement à la renaissance des arts et des lettres en Italie.

La sculpture, l’essai d’imitation plastique au moyen de formes solides, semble avoir précédé partout l’idée ou le talent d’imiter la nature sur une surface plane par des artifices de lignes et de couleurs. Néanmoins elle n’a pu fleurir long-temps sans conduire naturellement à ce second art, à la peinture. Ainsi, un siècle plus tard, les peintures viennent concourir, en Angleterre, à la décoration des édifices, où l’ornementation gothique avait déjà atteint un haut degré de perfection. La nature fragile et les matériaux peu durables de ces images n’ont pas permis à la plupart de résister à l’action du temps et aux violences du fanatisme. Bien peu sont arrivées jusqu’à nous ; pourtant il en reste assez pour qu’il nous soit possible d’apprécier le talent des artistes qui les ont exécutées et la place qu’ils méritent par rapport aux peintres contemporains. Dans l’abbaye de Westminster, près du chœur, il existe encore une peinture sur bois du XIVe siècle, représentant plusieurs sujets avec des ornemens en relief qui les divisent en compartimens. L’œuvre est soigneusement étudiée et d’un mérite suffisant pour aller de pair avec les productions d’un bon maître italien de l’époque. Dans la chapelle de Saint-Edouard de la même abbaye, le baldaquin du tombeau de Richard II est décoré de peintures religieuses, formant deux compositions et qui datent de 1394. Le mouvement et l’expression des figures révèlent la main d’un artiste supérieur. Son nom nous a été conservé par les archives de l’abbaye de Westminster. Ce peintre s’appelait John Haxey, et, comme nous l’apprennent les mêmes registres, il reçut pour son travail 20 livres sterling, ce qui devait être une somme considérable pour ces vieux temps. Le chapitre aussi contient plusieurs peintures murales, parmi lesquelles il en est cinq du XIVe siècle : ce sont des compositions à plusieurs figures, retraçant le Christ au milieu des vertus chrétiennes, et diverses allégories tirées de l’Apocalypse. Ces peintures sont évidemment d’un artiste plus qu’ordinaire, et peuvent rivaliser avec les créations de l’art italien de la même période. Il y a quelques années, on eût encore pu voir d’autres décorations du même style dans la chapelle Saint-Stephen ; mais la chapelle et ses peintures ont dû être sacrifiées pour faire place au nouveau palais du parlement.