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LA JEUNE FILLE.

A force li gagnain vaillance[1],
Papa Henri
Fondé l’indépendance
Dans Haïti.

Ah ! guié ! ah ! guié ! etc.

Suivent d’autres couplets en l’honneur de « : papa Henri, » qui, s’il eût surpris tout ce monde à danser et à chanter, l’eût bien certainement renvoyé, à coups de pistolet et à coups de sabre, aux travaux de la forteresse de Laferrière ou du palais de Sans-Souci, à moins toutefois que le paternel monarque n’eût préféré essayer sur les groupes la portée de quelque canon neuf.

Du créole nous passons au français, et quel français ! La scène est d’ailleurs caractéristique :

« LE COMMANDANT. — Vous le voyez, mes frères, en cette soirée joyeuse, nous célébrons la veille de cette fameuse journée où tout un peuple, justement révolté contre la tyrannie, a proclamé son indépendance. Haïti n’est déjà plus dans son adolescence politique ; en fondant un trône, monument représentatif de sa dignité et sûr garant de ses droits, elle a donné une preuve authentique de sa virilité physique et morale. Gloire soit au Tout-Puissant qui a tendu une main secourable à l’innocent persécuté !

« Tous ENSEMBLE. — Gloire au Tout-Puissant ! (Fanfare de cors.)

« LE COMMANDANT. — Vive à jamais Henri, ce héros bienfaisant, dont le bras immortel, après avoir reconquis nos droits, a assis l’édifice de notre consistance politique sur des bases inébranlables !

« Tous ENSEMBLE. — Vive à jamais Henri ! (Fanfare de cors.)

« LE COMMANDANT. — Haine éternelle à la France !

« Tous ENSEMBLE. — Haine éternelle à la France ! (Fanfare de cors.)

« LE COMMANDANT. — Jurons de mourir plutôt que de retomber sous son injuste et cruelle domination. !

« Tous ENSEMBLE. – Nous le jurons.

« LE CAPITAINE. – Après cet hommage rendu à l’Éternel, après ce serment de glorieux usage, devenu le refrain de nos cœurs reconnaissans, livrons-nous aux doux transports que nous inspirent les apprêts de cette sainte cérémonie. Qu’il est doux de tremper à loisir ses lèvres dans la coupe délicieuse de l’indépendance !

« BRISE-BATAILLE, soldat. Oui, n’a mouri pour roi à nous ; oui, n’a mouri pour la liberté et pour l’indépendance, et, si brigands vini, etc.

L’auteur, qui a sué évidemment ici sang et eau pour faire parler son commandant et son capitaine en style noble, était bien plus près

  1. « A force de déployer de la vaillance, etc. »