Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/919

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

briser le centre des impériaux ; mais, les deux colonnes Schwarzenberg et Wrbna ayant vigoureusement repoussé le choc, la confusion se mit dans les rangs des Hongrois, qui se retirèrent en pleine débandade sur Kapolna et Kal. L’obscurité de la nuit mit fin à cette première rencontre. Schlik, à qui les Autrichiens devaient en grande partie le succès de cette affaire, le vaillant Schlik, après s’être battu toute la journée en héros dans les défilés de Sirok, opéra vers le soir, au-dessus de Verpelét, sa jonction avec le maréchal Windisch-Graetz. Le maréchal, enhardi par l’heureuse issue de ce combat, ordonna de reprendre l’attaque le lendemain. L’église de Kapolna, où le bataillon italien Zanini s’était retranché, fut assiégée par la brigade Wiss. Après une lutte opiniâtre, les Italiens, complètement débusqués, laissèrent deux cents prisonniers aux mains des Autrichiens. Les Hongrois tentèrent alors un effort désespéré pour reprendre Kapolna, cette clé de leurs positions stratégiques, et ouvrirent contre les Autrichiens un feu d’artillerie formidable. Cependant la brigade Colloredo occupait la hauteur, et en même temps qu’il maltraitait l’aile gauche des Hongrois et les repoussait sur la route de Miskolcz, le lieutenant-feld-maréchal Schwarzenberg, attaquant leur droite, emportait le village de Kal et les refoulait vers Maklar. Pour la seconde fois, la nuit vint mettre un terme au choc des deux armées. Les Hongrois étaient en pleine retraite, et si, au lieu de dresser ses tentes et d’allumer ses feux de bivouac, l’armée impériale se fût acharnée à leur poursuite, ils eussent pu être exterminés.

Ici Goergei s’arrête pour se poser une question qui, du reste, revient souvent dans ses mémoires : Que faisait le maréchal Windisch-Graetz ? Un vainqueur qui, après la victoire et lorsque les circonstances l’y invitent, ne charge pas à outrance, se place involontairement sur le même niveau moral que le vaincu, et n’est par le fait pas plus à craindre à la suite de son succès qu’il ne l’était avant. Au dire de Goergei, le maréchal prince Windisch-Graetz fut un vainqueur de ce genre, « et c’est pourquoi, ajoute le général madgyar, je me permis de trouver si déplorables en cette occasion les dispositions éperdûment rétrogressives du général Dembinski après la bataille. » Quoi qu’il en soit, les Hongrois eurent le temps de se retirer à Tisza-Fured, de l’autre côté de la Theiss, et Goergei, foulant aux pieds, selon sa louable habitude, les ordres du général polonais, vint prendre à Poröslo, derrière les marais de la Theiss, une position excellente qui protégea et assura la marche de l’armée[1].

Si l’on a pu justement reprocher au maréchal Windisch-Graetz ses lenteurs et ses indécisions après Kapolna, comment apprécier la conduite

  1. Voir Schütte, la Hongrie et la Guerre de l’indépendance hongroise, t. II, p. 209.