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importantes de la statuaire est d’offrir au spectateur une figure ou un groupe dont il puisse faire le tour. Puget ne s’en est pas souvenu ou n’a pas voulu en tenir compte. Sans partager la colère des puristes, je reconnais qu’il eût agi plus sagement en suivant les conseils de l’antiquité.

Le groupe d’Andromède et Persée n’a pas, à mes yeux du moins, la même valeur que le Milon. Le Persée surtout me semble traité dans un style beaucoup moins élevé ; mais l’Andromède est à coup sûr une des plus charmantes créations de l’art moderne. Il y a dans ce beau corps tant de grâce et de délicatesse, tant de jeunesse et de souffrance, que le spectateur se sent ému de pitié en le contemplant. Ces membres si frêles, meurtris par les chaînes, excitent dans notre ame un attendrissement profond. Le torse tout entier est d’une rare élégance ; aussi je ne crains pas d’affirmer que ce groupe gardera long-temps une des premières places dans l’histoire de l’art français.

Le bas-relief d’Alexandre et Diogène donne lien à des remarques toutes spéciales, et je crois d’autant plus utile de les présenter qu’elles s’appliquent avec la même rigueur à la Peste de Milan. Ce bas-relief, dont je ne veux pas contester le mérite, est composé comme un tableau. Puget avait étudié les portes du baptistère de Florence, et l’exemple de Ghiberti semblerait devoir le justifier. Cependant, malgré mon admiration pour le maître toscan, je crois qu’il ne convient pas de traiter le bas-relief comme une composition pittoresque. Je sais très bien que l’Alexandre est plein d’élégance et de grandeur, je sais très bien que les courtisans groupés autour de Diogène respirent l’étonnement et la curiosité, que le visage du philosophe exprime d’une façon merveilleuse l’orgueil et le dédain, et pourtant, malgré toutes ces rares qualités, ce bas-relief ne me paraît pas conçu selon les lois de la statuaire. Les plans sont trop nombreux ; bien que l’œil embrasse facilement toutes les parties de la composition, il est évident que le sujet gagnerait beaucoup en se simplifiant. La saillie donnée au cheval d’Alexandre et au chien tenu en laisse devant le roi de Macédoine ne contente pas le regard. Ce mélange de ronde-bosse et de bas-relief n’est pas harmonieux. On aura beau invoquer les portes du baptistère, on ne réussira pas à prouver que le ciseau puisse se permettre tout ce que le pinceau se permet. Le succès obtenu par Ghiberti ne change pas les conditions fondamentales de la statuaire. Ce n’est pas pour avoir violé ces conditions qu’il s’est acquis une légitime renommée, mais pour avoir traité toutes ses figures avec une finesse désespérante. S’il les eût disposées sur deux ou trois plans seulement, au lieu de demander au bronze ce que la couleur seule peut donner, sa gloire serait encore plus grande. Je crois donc que Puget a eu tort de suivre l’exemple de Ghiberti. La frise du Parthénon lui offrait un enseignement