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en vers des Niebelungen, du Parceval, du Titurel, de Gudrun, de Wieland le forgeron, ont une saveur originale qui leur donne un caractère à part. Voilà le maître qu’a choisi M. de Redwitz, et il était difficile de mieux s’adresser. Avec M. Simrock, l’auteur d’Amaranthe apprendra à ne plus confondre les temps. Le moyen-âge mieux connu le protégera contre les fantaisies d’une imagination mal assurée. Son style y gagnera. Les poètes allemands du XIIIe siècle qui ont mérité de rester dans la mémoire des hommes étaient l’expression très franche de la vie morale de leur époque ; M. de Redwitz n’est que le représentant d’une situation passagère, et le succès qu’il a obtenu pourrait l’engager dans une AOIC stérile. Il a été l’organe de la lassitude générale, il a été l’interprète du repentir, du retour à Dieu, du désir de commencer une carrière nouvelle ; c’est là une période de transition à laquelle doivent succéder les œuvres de la pensée virile. L’étude d’une poésie dont le développement a été complet peut fortifier à temps son inspiration et la préserver de l’affadissement. C’est d’ailleurs un bon exemple que le spectacle de ce poète couronné si jeune encore par un pareil triomphe, et qui va étudier sous un maître, comme les trouvères du XIIIe siècle à l’école des maîtres-chanteurs. N’y a-t-il pas seulement, il est permis de le craindre, un peu d’affectation et de manière dans ce gracieux tableau ?

La manière ! l’affectation ! J’ai dit ce que M. de Redwitz aurait à gagner dans sa retraite auprès du traducteur du Parceval et des Niebelungen ; il faut bien lui indiquer aussi les périls dont il devra se défier. Que le jeune écrivain, en étudiant le moyen-âge, se garde d’en reproduire les idées et d’en imiter la forme. La première condition de la poésie, surtout d’une poésie qui veut exercer une action, c’est qu’elle appartienne à son temps. L’archaïsme peut séduire, les imaginations frivoles ; il est antipathique à l’ame sérieuse qui se jette vaillamment au milieu des luttes morales de son siècle, et qui aspire à une influence efficace. Cette chaste sérénité qui a charmé l’Allemagne dans Amaranthe, ce n’est pas aux œuvres du moyen-âge que l’a empruntée M. de Redwitz ; il l’a trouvée au fond de son cœur, il l’a puisée toute vivante dans les émotions de son ame, indignée des désordres qui attristaient son pays. Ainsi s’explique la pénétrante vertu de sa parole. Si M. de Redwitz allait acquérir une plus grande habileté littéraire au prix de ce sentiment vrai qui anime ses poèmes, il renoncerait à ce qui constitue proprement l’originalité de son esprit. Il ne faut pas qu’une inspiration factice prenne chez lui la place de l’inspiration sincère ; il ne serait plus alors que le continuateur affaibli de ce qu’a été, il y a près d’un demi-siècle, le groupe des poètes romantiques. Comme il ne possède ni la profondeur de Novalis, ni la fantaisie étincelante de Clément de Brentano, ni l’imagination riche et terrible