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C’est au printemps de 1849 que l’Amaranthe de M. de Redwitz s’est mise en route ; c’est quelques mois après qu’elle venait s’abriter un instant sous le toit du poète et lui rendre compte de son message. Quel poème si nouveau, doit-on se dire, quelle invention si originale a pu distraire les âmes en ces mois terribles où, de Dresde au Palatinat et de Berlin à la Hongrie, l’insurrection sanglante provoquait des vengeances sans pitié ? A ne considérer que le fond des choses, il n’y a rien là de très nouveau à coup sûr ; ce n’est pas une de ces œuvres hardies qui commandent l’attention et dominent les cris de la multitude ; c’est simplement, à travers mille faiblesses, la grâce allemande des vieux âges depuis long-temps perdue et tout à coup retrouvée, la grâce des Minnesinger, la candeur des Wolfram et des Hadloub, une poésie ingénue, cordiale, empressée, qui s’introduit sans efforts, qui frappe, qui entre, qui presse la main tremblante de son hôte ou essuie son visage baigné de larmes. Qu’on se garde bien de blâmer chez elle l’inexpérience de l’art, l’embarras du plan, l’indécision des épisodes : dans les tableaux qu’elle va peindre, le sentiment seul est tout. Poésie confiante et bénie ! Si vous y voyez le sourire vrai et le charme incomparable de l’enfance, ne lui demandez pas autre chose ; elle a senti d’instinct ce qui pouvait rafraîchir les ames, et vous avez le secret de son prestige.

Le poème de M. Oscar de Redwitz, comme presque tous les poèmes des Minnesinger et des maîtres chanteurs, commence avec une grâce toute printanière. — La forêt est verte et parfumée, les oiseaux chantent dans les arbres, les ruisseaux courent sur la mousse ; mille petites fleurs, au fond de la vallée et sur la lisière du bois, ouvrent leurs corolles humides que va sécher le soleil. Cette forêt, c’est la Forêt-Noire ; cette vallée, c’est la vallée du Neckar. Le poète était naturellement attiré vers ces contrées heureuses ; c’est au bord du Neckar et sous les ombrages du Schwarzwald que les plus aimables des Minnesinger du XIIIe siècle ont semé leurs mélodies ; c’est là encore que le groupe harmonieux conduit par Uhland et Justinus Kerner a cultivé tant de précieuses Fleurs. Il y a comme une invisible magie dans ces beaux lieux. À travers les défaillances que nous révèle son œuvre, M. de Redwitz a eu du moins le mérite de ressentir ces enchantemens avec une ame de poète ; il est vraiment sous le charme. La forêt est toute remplie pour lui de conseils inattendus ; il y a dans le frémissement des feuilles, dans le murmure de la source, dans le vol léger des phalènes, un langage dont il comprend tous les mystères. Il renouvelle sans efforts ces sujets maintes fois traités, tant ses sympathies sont vraies, tant il ouvre son ame avec bonheur aux mille bruits confus des matinées d’avril !

La poésie catholique en Allemagne, lors même qu’elle se pique