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Je veux parler de la baisse de l’or et de la hausse correspondante de l’argent en Europe pendant les derniers mois de 1850 et les premiers mois de 1851.

La Russie, en effet, avait alors un peu moins d’or à échanger contre les produits de l’Occident, car depuis 1847 l’exploitation des sables de l’Altaï était en voie de décroissance. En tout cas, le gouvernement ne se souciait pas de faire ou de laisser entrer l’or dans les échanges, car en 1848 et en 1849 il en avait prohibé l’exportation. En 1850, l’état du change ne le permettait pas, et l’on sait qu’une partie de l’emprunt à 4 et demi pour 100 contracté à Londres à cette époque par le cabinet de Saint-Pétersbourg fut soldée par des envois directs d’argent et d’or empruntés aux réserves de métaux précieux qui se concentrent habituellement sur le marché britannique.

Sans doute, malgré la prohibition, l’omisse s’est infiltré en Europe. On calcule qu’entre 1849 et les premiers mois de 1850, les grandes places commerçantes de l’Occident en ont reçu pour 60 à 70 millions de francs ; mais ce n’était pas même la restitution des sommes considérables que les demandes de grains avaient fait importer à Odessa et à Riga pendant la disette de 1846-1847. Il n’en résultait pas un accroissement réel dans l’approvisionnement métallique de l’Europe occidentale.

On doit appliquer les mêmes observations à l’or qui a pu être importé d’Amérique en 1840 et en 18o0. Il n’a fait que remplacer dans la circulation les espèces qui avaient passé l’Atlantique deux ans plus tôt pour solder le froment, le maïs et les viandes salées des États-Unis. On en trouve la preuve écrite dans les relevés du monnayage américain. La monnaie des États-Unis, qui, depuis l’année 1834, c’est-à-dire depuis l’exploitation des gisemens aurifères de la Caroline, avait frappé des espèces d’or pour une valeur moyenne de 2 millions et demi de dollars par année (plus de 13 millions de francs), en a livré à la circulation, en 1847, une somme de 20 millions de dollars (environ 104 millions de francs). À ce moment, les gîtes de la Californie n’étaient ni exploités ni connus : ce ne fut qu’en 1848 que la découverte de ces riches placers alluma la fièvre de l’or en Amérique d’abord, et plus tard en Europe.

L’or californien, avant de se répandre sur l’ancien monde, fait étape aux États-Unis. Nous le recevons, sous la forme d’aigles et de doubles aigles, frappé à l’effigie de cette république conquérante. En 1848, l’or monnayé aux États-Unis ne s’éleva pas à 4 millions de dollars ; il n’excéda pas 9 millions de dollars en 1849. Avec ces faibles émissions, l’exportation dut être à peu près nulle. En 1850, le courant californien commença à couler à pleins bords, et la monnaie des États-Unis, qui avait reçu au change, en poudre d’or ou en lingots, une valeur